Paris : Editions des Equateurs, 2022, 347 pages, 20 €
🙂 🙂 🙂 Un cold case qui rend hommage à la présomption d'innocence
« Ce ne sont pas des déserteurs ! »
Hiver 1981. Jocelyne s’inquiète du silence radio de son fils Giles, un jeune soldat en permission. Il s’est volatilisé alors qu’il faisait de l’auto-stop près de sa caserne. Il sera le premier d’une série de disparitionsinexpliquées de jeunes auto-stoppeurs dans la région. Malgré le signalement aux autorités, l’enquête ne démarre pas, retardée par l’armée qui ne prend pas les familles au sérieux, se bornant à assimiler ces disparitions à des désertions. Se sentant oubliés, voire méprises, les proches des victimes sont contraints d’organiser eux-mêmes les recherches, médiatisant l’affaire afin de faire bouger les choses, déplorant la lenteur de l’instruction, les négligences de la police (qui les traite d’emmerdeuses) et le silence de l’armée. Une instruction judiciaire finit par être ouverte, elle sera chaotique et infructueuse,
« Ça vous étonne ? s’agaçait Jocelyne chaque fois qu’on lui demandait pourquoi la justice avait mis deux ans avant d’ouvrir une enquête. Ce sont que des gosses d’ouvriers, alors vous pensez bien… Le petit gars de Tourcoing était fils de cheminot. Le père d’Armando, mécano, sa mère, femme de ménage : ils avaient immigré en 1964 et parlaient à peine le français. Eh bien, pas moi, ça ne m’étonne pas le moins du monde. Les gens comme nous, on ne nous prend pas au sérieux. On s’en fiche complètement ! »
La revisite d’une réalité qui a fait débat.
Librement inspiré d’un fait divers célèbre des années 80 « Les disparus de Mourmelon », l’écrivaine Julie Peyr s’inspire du canevas de l’affaire et en livre une fiction axée sur la détresse et le combat des familles. Avec habilité, elle s’intéresse à la psychologie des proches des victimes mais également du présumé coupable, et à l’impact de l’affaire sur chacun d’entre eux. Elle ne focalise pas son récit sur l’enquête policière, mais s’immisce subtilement dans la peau de chacun des personnages, s’intéressant à leurs réactions et sentiments.
Le portrait des 2 femmes principales du roman, la mère d’un des disparus et la sœur du suspect est particulièrement fort et intelligemment dressé.
Un roman qui est tout à la fois un roman d’atmosphère, une fresque sociale et un roman policier. On suit le combat des proches et on s’insurge des dysfonctionnements de la justice et du comportement irresponsable d’un système qui préfère soigner les apparences plutôt que de protéger les plus faibles.
Hommage indirect aux vrais disparus, ce roman délivre aussi une belle réflexion sur la présomption d’innocence et l’intime conviction.