1884, une maison d’éducation surveillée ferme ses portes dans les Cévennes. Les gamins et adolescents victimes de pratiques dégradantes quittent les lieux sous les yeux des paysans du cru, qui furent leur geôlier de quelconque manière.
1901, d’étranges évènements se déroulent dans la communauté environnante. Un bébé mort-né, un homme fauché en pleine force de l’âge, un troupeau de chèvres décimé, l’incendie de meules…Chacun rejette la faute sur un autre, refusant de voir ses propres péchés. La vie n’est-elle pas assez rude ? Témoin de ces malheurs, un médecin porté sur la boisson est taraudé par un doute. Oui, c’est lui qui a fait fermer le bagne à cause de certaines pratiques, ou de ce qu’il en devinait. Mais n’est-il pas passé à côté de quelque chose ? De même que la bâtisse, les petits corps enterrés à l’écart dans un cimetière improvisé constituent une présence encombrante, celle d’un passé que l’on aimerait oublier.
Les paysans ont leur façon propre de gérer leurs péchés : secrets et non-dits jalonnent le récit, jusqu’au point de rupture.
Roman de terroir glaçant
Chaque chapitre débute par un extrait de registre d’écrou d’une maison de redressement ayant réellement existé. Fermée à cause de pratiques avilissantes sur des enfants, elle fit de nombreuses victimes : condamnés à un séjour forcé jusqu’à leur majorité, Gilbert, Clément, Antoine, Jean ou encore François sont décédés avant. Glaçant.
Jean-Christophe Tixier, auteur de romans d’enfance et de jeunesse, nous plonge au cœur d’une communauté du XXème siècle coupable, à travers plusieurs personnages qui partagent alternativement leur point de vue. Il est forcément difficile de s’identifier ou s’attacher à certains personnages. Exceptée Blanche, victime de viols par son oncle, tous présentent une cupidité, une absence d’humanité qui suscite dégoût ou indignation. Le quotidien des petits bagnards est également évoqué par bribes. Une lecture qui ne laisse pas indifférent, et nécessaire, très certainement.