King, Stephen; traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch
Policier & Thriller
Paris : Albin Michel, 2025, 624 pages, 24,90 €

🙂 🙂 Là où il n'y a plus d'espoir

Après un thriller au pays de l’horreur absolue (“Holly” qui met en scène un couple amateur de chair humaine), le petit faiseur de Bangor (Maine), à présent réfugié en Floride, revient avec un recueil de ce qu’il fait finalement de mieux : des nouvelles.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de textes à la Poe ni à la Carver : les nouvelles de King prennent toujours le temps de mettre en place un “background” issu de la vie quotidienne, ce qui permet une descente intimiste vers le paranormal. Sa capacité légendaire à composer des personnages auxquels on s’attache immédiatement – pour le meilleur comme pour le pire – fait mouche une fois de plus.
King nous offre une galerie de protagonistes profonds qui, tous, se retrouvent dans une situation de cauchemar : du pauvre garçon kidnappé par des malfrats prêts à tout, sauf à reconnaître qu’ils se sont trompés de type, à l’héritier inattendu d’une femme dont les fantôme des enfants morts font partie de la succession, en passant par ce rêveur qui endosse le costume du coupable idéal parce qu’il a eu le malheur de percevoir dans son sommeil le lieu précis recélant le cadavre d’une jeune femme, les intrigues, sans être d’une folle originalité, ne laissent indemnes ni les quidams mis en scène, ni les lecteurs qui oseraient s’aventurer dans cet écheveau hétéroclite au pays du malheur, de la malheureuse coïncidence et de la folie meurtrière.

Une faconde qui ne vous lâche plus

Certains textes sortent davantage leur épingle du jeu, à commencer par “Serpent à sonnettes” (l’histoire de l’héritage) qui permet à King d’offrir une survivance à un des personnages emblématiques de son début de carrière, Vic Trenton, le père du pauvre Tad dans Cujo (1). Fidèle à la théorie de son multivers, il place l’intrigue de son récit près de la presqu’île de Duma Key (référence à un autre de ses romans). Au-delà du caractère frissonnant de l’histoire, c’est également un hymne à l’amour et à la perte d’êtres aimés.
L’autre “pavé” du recueil, “Le mauvais rêve de Danny Coughlin” nous convie dans la descente en enfer d’un homme persécuté par un policier amer convaincu de sa culpabilité dans le cas d’un meurtre de jeune femme dont il aurait eu la vision pendant son sommeil. Une caricature de la “tête de mule à qui on ne la fait pas” qui deviendra très bientôt un film destiné au streaming. Pour haletante et interpellante qu’elle soit, cette nouvelle porte malheureusement la marque de la tare littéraire de King (et c’est lui-même qui le dit) : la chute.
La qualité des histoires, leur imprégnation empathique, leur longueur (on parle parfois de plus de cent pages) mériteraient une fin flamboyante, surprenante, à mille lieux de ce qu’on peut en attendre mais force est de constater que dans ce recueil, ni “Willie le tordu”, ni “Écran rouge”, ni “Les rêveurs” ne tiennent leurs promesses. L’idée de base est valable, son traitement habilement mené et puis,…les dernières pages sonnent comme un aveu d’abandon, une perte de contrôle, un bâclage expéditif.
Paradoxalement, la dernière nouvelle “L’homme aux réponses” apparaît parfaite, maîtrisée de bout en bout. Son empreinte humaine sur la destinée de chacun résonne encore longtemps une fois achevée.
Et puis, il reste la faconde de King, un style plus qu’une véritable écriture, qui vous enchaîne, vous entraîne et ne vous lâche plus.
Entrez dans l’antre des cauchemars de Stephen King !
(1) Rappelons que King a avoué ne pas se rappeler avoir écrit “Cujo” car il avait à l’époque (début ‘80) l’esprit trop embrumé par les vapeurs éthyliques et des stupéfiants
Éric Albert

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