Moreno-Garcia, Silvia ; traduit de l’anglais (Mexique) par Claude Mamier
Fantastique
Paris : Bragelonne, 2021, 346 pages, 18.90 €
🙂 Vampire est là
Histoire de vampire mexicain
Catalina, la cousine de Noemi, récemment mariée à un prince (pas trop) charmant, réside désormais à High Place, un manoir isolé dans la localité d’El Triunfo, située à flanc de montagne, quelque part au Mexique.
Une lettre alarmante sur son état de santé décide le père de Noémi d’envoyer celle-ci à sa rescousse. Son mari essaie-t-il vraiment de l’empoisonner ? Ne faudrait-il pas rapatrier la jeune mariée, en sécurité, à Mexico ?
A peine arrivée sur les lieux, où elle n’est manifestement pas la bienvenue, Noémi ressent une sorte d’oppression physique et mentale, comme si le manoir où elle débarque exerçait une influence maléfique. Sa cousine est mal en point, c’est un fait, comme empreinte d’une extrême faiblesse et confusion mais les personnes qui l’entourent – jusqu’au médecin qui est sensé veiller sur elle – semblent cacher bien des secrets et des desseins inavouables.
L’environnement participe également au marasme. On y parle d’une ancienne mine qui aurait décimé tous ses travailleurs, à cause d’une étrange maladie et d’un massacre familial toujours obscur.
La guérisseuse du coin, Marta, n’est pas avare de renseignements et apparaît comme la seule personne qui apporte un peu de réconfort à Catalina, avec une potion revigorante de son invention.
Sentant l’urgence d’emmener sa cousine loin de ces personnes ambiguës et perverses, Noémi se rend compte qu’il lui est presqu’impossible de repartir de High Place. Une force est à l’œuvre et elle émane du patriarche de la maison, le vieux Howard Doyle, un être vampirique qui entend perpétuer son existence de la plus effroyable des façons.
Critique dithyrambique
Le roman de Silvia Moreno-Garcia a été accueilli par les critiques du monde entier comme un événement, au point de lui décerner le titre « d’un des cent meilleurs romans fantastiques de tous les temps ».
Distillant une ambiance adéquate pour son propos, le récit fait penser à plusieurs reprises à d’autres classiques du genre. Il y a du Shirley Jackson, de l’Edgar Allan Poe, du Bram Stoker et même – pour autant que la référence soit plausible – du Jean Ray et du Thomas Owen dans ces descriptions lugubres et frissonnantes. Le manoir n’a rien à envier aux places maudites chères à ces auteurs et la malédiction, même si elle ne fait pas appel aux silhouettes des Grands Anciens, appartient littérairement à la sphère d’influence d’un Lovecraft.
C’est peut-être ce qui entache un peu la réputation de ce livre : ne s’agit-il pas en fait de la réunion d’ingrédients qui ont tous prouvé leur efficacité, au service d’une histoire dont l’originalité n’est pas aussi éclatante que présumée ?
Une autre constante qui apparaît un peu comme incongrue, ce sont les scènes de romance, voire d’érotisme qui affleurent au gré des chapitres. Comme si l’auteur avait hésité entre une histoire sentimentale (portée par des personnages féminins soit victimes, soit battantes, aux prises avec des hommes invariablement pervertis et violents) et un récit d’épouvante à part entière, convoquant à une même table fantômes, vampires et autres créatures de l’ombre.
Relativisons
C’est donc à raison que la citation en couverture de l’ouvrage évoque « la rencontre de Lovecraft et des sœurs Brontë ». Si la lecture s’avère plaisante, la révélation de la nature réelle du monstre intervient de manière trop abrupte – il aurait fallu une cinquantaine de pages supplémentaires pour assurer la transition de manière optimale – et la fin du livre souffre d’une résolution expéditive qui rompt avec le déroulement lancinant des trois cents premières pages.
« Mexican Gothic » est un roman intéressant, écrit par un auteur qui a tout compris de son métier mais qui pèche – un peu – par une propension à vouloir rendre hommage à ses prédécesseurs plutôt que de faire entendre une voix inédite et résolument novatrice.