Liam vit dans les montagnes avec sa compagne Ava et leur fils de cinq ans Aru. Il s’absente souvent pour chasser. C’est un pistard. L’été l’automne il part sur les traces des cerfs des lièvres et de tout ce qui peut se vendre sous forme de peau et de fourrure.
Un soir quelque chose ne tourne pas rond à son retour. Le gosse n’est pas là pour accourir à sa rencontre. Il repère vite dans la cour le corps d’Ava, lacéré par un ours. Sous elle, Aru, qu’elle a vraisemblablement voulu protéger.
Terrassé par la douleur, Liam décide de confier l’enfant à de la famille en ville. Impossible de le laisser seul à la ferme pendant qu’il part gagner de quoi vivre. D’ailleurs il n’en voulait pas, de ce gosse. C’était pour faire plaisir à Ava, qui en avait l’entière responsabilité.
Ils partent donc à cheval, l’adulte muré dans sa colère et sa rage, l’enfant terrifié, en attente de mots et d’amour.
Roman nature writing primé
Sandrine Collette est française, mais son roman se situe dans des montagnes non identifiées. Aucun nom de lieu ne permet une attache géographique. Les prénoms sont anglo-saxons mais qu’importe. A l’instar de Jean Giono (dont le prix éponyme lui a été décerné), son propos est universel.
Le roman parle d’un homme et un enfant seuls dans un paysage écrasant, suite à des circonstances dramatiques. David Vann vient aussitôt à l’esprit lors de la lecture.
« […] c’est la nature qui efface les traces des hommes. C’est comme si elle nous détestait, la nature, et dès qu’on fait quelque chose elle tend à le détruire pour reprendre tout l’espace. On croirait qu’il n’y a pas de place pour elle et nous, il y en a un de trop là-dedans. »
Quelle vie attend le petit Aru ? Liam est un homme fou de douleur face à un destin injuste : c’est l’enfant qui aurait dû mourir sous les griffes de l’ours. Un enfant ça ne sert à rien, on ne peut pas compter dessus en cas d’accident. Aru ne lui serait d’aucun secours, et à l’inverse l’enfant blessé le ralentirait. Et puis un enfant, ça se refait. La femme, quand elle n’est plus là, eh bien plus rien n’est pareil, n’est-ce pas ?
L’auteure de « Et toujours les forêts » nous livre le long combat intérieur qui se joue chez son personnage durant ce voyage à cheval. Liam pense à la saison des cerfs qu’il est en train de manquer. Mais face à l’imprévu de ce monde hostile, quelle décision va-t-il prendre ?
Le style adopté par l’auteure est à l’image de l’existence de Liam : la virgule est rare, les points de suspension inexistants, tant la vie nécessite de l’action et laisse peu de place à la respiration et à la contemplation. Le flot des pensées est aussi continu que celui des phrases dont le rythme invite tout à coup à la lecture à voix haute.
« On était des loups » est un roman court, intense et qui fera date dans l’année littéraire de votre chroniqueuse. Il a été récompensé en 2022 du Prix Renaudot des Lycéens et du Prix Jean-Giono.