Nevill, Adam ; traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Marie Guelton
Fantastique
Paris : Bragelonne, 2020, 480 pages, 22 € (Collection Terreur)
🙂 🙂 Par-delà la mort
Généalogie
Au fil de ses romans, Adam Nevill est parvenu à trouver une place enviable dans le cénacle des auteurs de romans d’horreur et de terreur. En digne successeur de Ramsay Campbell, James Herbert ou Graham Masterton, Nevill marque de son empreinte le monde des littératures de l’imaginaire en Grande-Bretagne.
Son premier livre, « Appartement 16 » remettait au goût du jour le thème ultra-exploité de la maison hantée. Avec « Le Rituel » (auquel l’adaptation par Netflix ne rend pas hommage, même si elle a le mérite d’exister), il s’aventurait dans les méandres de l’inspiration d’un Lovecraft. « Le temple des derniers jours » offrait quant à lui sa vision du monde des sectes sataniques.
Ses domaines de prédilection cadrant tout à fait avec mes attirances littéraires, j’ai tout naturellement suivi son parcours. Est-ce un effet de la traduction ou de la technique du récit, j’ai toujours lu Nevill avec une certaine appréhension. L’impression d’une distorsion dans le déroulement narratif, d’un délayage de propos donnant le sentiment de la nécessité de la production de pages, un goût d’inachevé ont toujours eu pour effet de me laisser sur la réserve. L’enthousiasme ressenti a l’entame de la lecture s’est toujours peu à peu étiolé, m’empêchant de crier au génie tout en reconnaissant la patte d’un faiseur original.
La promesse sous la couverture
Ce dernier roman traduit en français (il y en encore deux en attente) possédait ce vernis sulfureux, patiné par la grâce de ce titre attractif. Il suscitait aussi un sentiment de curiosité, laissant à penser qu’il s’agissait d’une nouvelle variation sur le thème de la maison hantée. Comment l’auteur anglais allait-il parvenir à se montrer original, suffisamment subversif pour emmener son lecteur au bout de ces 500 pages serrées ?
Stéphanie vient de perdre son emploi et son petit ami dans le même temps. Obligée d’emménager dans un sinistre appartement sur Edgehill Road, elle expérimente plusieurs nuits douloureuses perturbée par des cris, des plaintes et la sensation d’une présence dans sa chambre à coucher. Apeurée, elle décide de changer de logement mais elle se heurte au refus de son propriétaire, l’énigmatique Knacker, de lui restituer sa garantie locative. Mielleux, menaçant, Knacker, dont l’hygiène rebuterait le moins regardant des individus, s’ingénie à convaincre Stéphanie de rester dans la bâtisse, lui offrant une chambre davantage cosy. Mais la jeune femme, témoin d’agissements suspects qui lui font découvrir un véritable réseau de prostitution, entend bien reprendre sa liberté.
Knacker et un comparse, le sombre et pervers Fergal, lui font rapidement comprendre qu’elle n’a pas d’autre choix que d’obéir à leurs objectifs les moins avouables : la compter parmi les filles qu’ils exploitent. Pour preuve de leur détermination, ils n’hésitent pas à massacrer l’ex-petit ami de Stéphanie, venu tenter de la sortir de son marasme.
Empêtrée dans une situation infernale, Stéphanie va peu à peu découvrir l’atrocité rampante qui habite la résidence. Là, au rez-de-chaussée, dans un appartement aux fenêtres condamnées, (sur)vit une entité maléfique qui manipule tout et tout le monde. Black Maggie, une entité ancestrale qui se nourrit des âmes en perdition.
Tellement puissante, tellement prégnante qu’il n’est même pas sûr qu’il soit possible de s’en débarrasser, même après avoir quitté la sinistre demeure d’Edgehill Road.
Comme un manque de liant
Le roman cache bien son jeu : sous des apparats classiques de hantise traditionnelle, il mène le lecteur durant près de 400 pages dans un récit glauque, littéralement puant, multipliant les scènes de terreur pure (incluant du surnaturel), les descriptions organiques de tortures et l’horreur psychologique. La dernière partie change brutalement de cap, de lieu – tout comme de prénom pour l’héroïne contrainte à ce subterfuge pour se garantir une vie plus ou moins normale – et propose une lutte traditionnelle du bien contre le mal.
Malgré une évidente bonne volonté, Adam Nevill ne parvient pas avec ce roman à convaincre tout à fait son lecteur. A l’instar de ses autres titres, il a tendance à délayer son propos, voire à faire tourner en rond certaines situations. Le changement de perspective qu’il applique à la fin de son récit surprend, déstabilise et rompt avec la cohésion générale du roman.
En fait, je pense que « Personne ne sort d’ici vivant » souffre d’un certain elephantiasis, une ambition qui dessert son propos. S’il ne se lit pas avec effort – bien que je reconnaisse avoir sauté quelques lignes de ci, de là – il ne vous offrira jamais ce délicieux frisson qui vous fait encore veiller, à trois heures du matin, avec le livre ouvert devant vos yeux écarquillés.
Une opinion en demi-teinte, en attendant « Lost Girl » qui nous emmènera dans un monde post apocalyptique. Une nouvelle corde à l’arc de cet auteur qu’on aimerait enfin pouvoir encenser.