Harris, Robert ; traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Anne-Sylvie Homassel
Roman historique
Paris : Belfond, 2022, 360 pages, 22 €

🙂 🙂 🙂 Pugnacité et déceptions

J’avoue que j’étais très curieux de lire ce roman. Primo, parce que le précédent, « Le Second Sommeil » (2021) ne m’avait absolument pas convaincu. Deusio, parce Robert Harris a toujours été excellent dans ses relectures romancées de points précis de l’histoire : la trilogie Cicéron, Pompéi, les superbes Enigma (décryptage de la machine Enigma), Munich (crise des Sudètes), et D. (Affaire Dreyfuss). Notez également sa participation scénaristique à deux films réalisés par Roman Polanski, inspirés de ses romans : The Ghost Writer (roman L’homme de l’ombre) et J’accuse (D.).
Donc, un Robert Harris qui replonge dans les arcanes de la Seconde Guerre mondiale, ça titille. L’auteur décrit le contenu du roman dans sa mise en garde initiale : le récit couvre cinq journées de la fin novembre 1944, celles qui correspondent au bombardement de Londres par des V2. Si quelques personnages sont bien réels, les autres sont pure invention. L’ensemble respecte la chronologie et les agissements des véritables acteurs de l’Histoire.
Tout commence par des descriptions réalistes et poignantes des ravages causés par les missiles allemands dans la capitale anglaise et l’abnégation des populations terrorisées. C’est aussi l’occasion de découvrir l’héroïne principale du récit, Kay Caton-Walsh, officier de Women’s Auxiliary Air Force (WAAF), spécialiste de la surveillance et du décryptage des clichés pris par l’aviation anglaise au-dessus des sites stratégiques du Troisième Reich. Par un effet miroir, on fait connaissance avec Rudi Graf, ingénieur et adjoint de Wernher von Braun, cheville ouvrière et superviseur des lancements des engins de mort ayant lieu depuis une mystérieuse zone côtière hollandaise.
Séduite par un supérieur hiérarchique, Kay se retrouve bientôt dans une situation délicate et va dès lors sauter sur l’occasion de rejoindre une nouvelle équipe entièrement féminine envoyée dans la région de Malines, en Belgique, et chargée de débusquer l’endroit exact des lancements des V2 afin de le bombarder et le rayer de la carte.

Un arrière-plan historique rigoureux

Relativement court, le roman n’en est pas moins une fascinante plongée dans ces heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. Le roman est construit sur un arrière-plan historique rigoureux que l’auteur alimente grâce à des phrases riches en informations et en références. Il ne lui faut que quelques lignes, par exemple, pour décrire avec acuité les états d’esprit diamétralement différents des troupes nazies. Au désenchantement et aux critiques de la troupe, il oppose ce mélange de fanatisme, de cruauté et de paranoïa aveugle des SS lors d’une scène tragique mais traitée avec beaucoup de pudeur. Le portrait opportuniste de von Braun, le drame de la vie de Graf qui rêvait d’envoyer des fusées dans l’espace plutôt que de s’occuper de ces V2 meurtriers ou encore une évocation implacable de la collaboration sont quelques-uns des ressorts de la mécanique d’un récit qui, plutôt que de glorifier un épisode de guerre, distille les effluves d’une amère déception.
Je le redis, le roman est relativement court, mais, compte-tenu de sa richesse, il est terriblement addictif. Notez également la présence, dans les remerciements, d’une bibliographie susceptible d’éveiller l’intérêt historique des plus passionnées et passionnés d’entre vous. Cette indéniable réussite est franchement recommandée !
Alain Quaniers

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