« Toi comme moi, on s’est juste rendu compte qu’on risquait quotidiennement nos vies pour l’équivalent d’une formule sandwich-boisson-dessert de chez Paul. Et des gens comme nous, il y en a plein partout. Des gens à qui il manque juste une petite étincelle pour qu’ils s’enflamment d’un coup ». Georges et Pandora, la quarantaine tous les deux, se connaissent à peine. Mais ils en ont marre. Enfin, surtout Pandora. Georges, lui, est juste bleu de Pandora et il ferait tout ce qu’elle lui demande du moment que c’est en sa compagnie. Pandora, elle, est carrément sur ressorts. Elle n’en peut plus du système, de voir le vieux monde se faire démolir, les puissants qui montent les plus pauvres contre les moins pauvres. Mais ce qui l’énerve le plus, c’est l’apathie de ses contemporains. Elle est persuadée qu’il suffirait de trois fois rien pour leur ouvrir les yeux et pour qu’ils décident de renverser la situation. Retrouver leur dignité. Travailler pour vivre et pas pour se faire plumer. Alors elle décide de frapper là où ça va leur faire mal, aux gens. Elle va s’en prendre à leurs trois semaines de vacances. Elle va leur barrer la route de la plage et leur dire que tant qu’ils ne bougeront pas, elle ne bougera pas. Soit ils font la révolution, soit au cul les vacances. Barrage autoroutier, bim. Georges est pas trop chaud, mais Georges est bleu de Pandora, alors il va suivre….
Où va le fric ?
Odyssée coléreuse rappelant furieusement les barrages des Gilets jaunes, « Révolution » fait du bien par où il passe. D’abord parce qu’il tape juste : sur les toujours à l’abri et les profiteurs, et aussi sur notre apathie face à un « un moloch qui se nourrit de ses propres enfants » et sur d’autres absurdités apparues encore plus clairement en ces temps de crise sanitaire. « Où va le fric ? », se demande Pandora. Pourquoi il ne nous sert pas à tous, à nous rendre une vie paisible, faite équitablement de droits et devoirs ? Une existence digne et honorable pour chacun au lieu d’une société de castes dans laquelle une minorité asservit une majorité ?
Remède efficace
Ensuite, parce que, loin de la ramener avec force démonstrations socio-politiques, Sébastien Gendron rentre dans le lard du 21e Siècle avec un humour irrésistible, basé sur des situations grotesques et/ou absurdes, ravivées de mots crus et de personnages flamboyants. Bras-cassés exemplaires, mais honnêtes et poussés à bout par des pratiques révoltantes, Pandora et Georges se révèlent attachants et l’on en vient rapidement à craindre pour leur peau. D’autant que les médias, là aussi sérieusement épinglés pour leur course à l’audimat et leur obéissance au pouvoir, ne les épargnent pas. Roman noir revendicatif, qui fait réfléchir et rire, « Révolution » rappelle les meilleurs heures d’un Daniel Pennac et d’un Donald Westlake tendance « Parker »….Un remède efficace contre la connerie et la morosité. Vivement conseillé donc.
