King, Stephen ; Chizmar, Richard ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Michel Pagel
Fantastique
Paris : Livre de Poche, 2023, 347pages, 8.90 €

🙂 🙂 L’art de s’envoyer en l’air

Troisième et ultime volume de la série « Gwendy et la boîte à boutons », cette « dernière mission » offre aux lecteurs un nouvel ouvrage à quatre mains, après le précédent opus, rédigé seulement par Chizmar et qui, avouons-le, n’a pas laissé un impérissable souvenir…
Le duo à nouveau aux commandes, la magie allait-elle opérer ?

Pandore

La « boîte à boutons », c’est une sorte de pochette surprises en bois décoré de six boutons représentant les continents et de deux autres poussoirs, un rouge et un noir, aux pouvoirs antagonistes : l’un délivre de succulents bonbons possédant des vertus thérapeutiques, l’autre représente la promesse d’une tragédie, locale ou plus globale, que la petite Gwendy Peterson, douze ans, a dû apprendre à manier avec la plus grande des prudences.
C’est en 1979 que Gwendy était entrée en possession de la boîte, par l’entremise du ténébreux Richard Farris, un homme en costume et chapeau noir, aussi énigmatique que menaçant.
Après quelques aventures douloureuses, qui avaient révélé à Gwendy le pouvoir sombre de la boîte (elle avait notamment et malgré elle provoqué la tuerie de masse de Guyana en actionnant le bouton noir), le même Richard Farris avait récupéré son cadeau avant de disparaître…
Pour revenir vingt ans plus tard, charger Gwendy, devenue femme politique en vue et romancière débutante, du pesant fardeau. Trois disparitions de jeunes filles plus tard et l’émergence du pouvoir de divination chez la jeune femme – permettant, comme dans « Dead Zone », de dévoiler l’identité d’un tueur amateur de dents – la boîte avait de nouveau disparu…
2026 : Gwendy, veuve, sénatrice et atteinte d’une maladie d’Alzheimer insidieuse qui lui ronge peu à peu la mémoire, est mandatée pour une mission d’observation météorologique à bord d’une fusée spatiale destinée à rejoindre l’ISS. A bord de l’engin dernier cri, plusieurs autres scientifiques ont embarqué mais c’est surtout le personnage de Gareth Winston, un touriste milliardaire aussi imbu de lui-même qu’ambivalent, qui va poser de sérieux problèmes à l’équipage jusqu’à menacer la réussite de la mission.
Pourquoi s’intéresse-t-il tant à Gwendy et à son mystérieux bagage secret qu’elle ne permet à personne de toucher ? L’attaché-case sécurisé ne contiendrait-il pas la boîte à boutons ? Et si oui, pourquoi Gwendy l’a-t-elle emmenée avec elle ? Serait-ce pour débarrasser une fois pour toutes la Terre de cet encombrant talisman maléfique ? Quel est le but réel de la sortie dans l’espace prévue dans quelques jours ?
Qui s’emparera de la boîte détiendra le pouvoir ultime de préserver…ou de détruire le monde. Voire des mondes, car Gareth Winston, convaincu par de mystérieux hommes en manteau jaune qu’il « existe bien d’autres univers », convoite le trésor maudit pour le restituer aux commanditaires de la mystérieuse Sombra Corporation…

 Comme une friandise

« La dernière mission de Gwendy » conjugue une multitude de genres littéraires : le fantastique, bien entendu, la science-fiction, évidemment, la fantasy, naturellement, l’anticipation (la situation de la Terre en 2026 ne laisse rien présager de bon), le thriller, l’aventure, l’horreur et même le policier (« qui a assassiné le mari de Gwendy » sera une des enquêtes les plus tortueuses d’un certain Norris Ridgewick, shériff de Castle Rock (Maine)).
Il est clair que pour cette clôture de cycle, c’est Stephen King qui mène la barque, autant par l’expression d’une inspiration facilement identifiable que par de très nombreuses références à son univers : à commencer par « La Tour Sombre » (les hommes en manteau jaune étant des Briseurs de rayons qui apparaissent déjà dans le recueil « Cœurs perdus en Atlantide ») pour finir avec « Cà », avec cette évocation d’un homme habillé en clown et aux dents effilées comme des rasoirs qui terrifie les habitants de la ville de Derry, en passant par cette bonne vieille localité de Castle Rock (où réside Gwendy), cadre de plus d’une dizaine de romans et de nouvelles.
King profite aussi de cet opus pour témoigner de sa très grande phobie de la maladie d’Alzheimer dont il affuble sa protagoniste.
Quelle a été la part de travail de Chizmar ? Difficile à dire mais il est évident que le vieil ami de Steve, par ailleurs éditeur de tirages limités de quelques titres du Maître du macabre, n’a pas eu les coudées franches pour cette dernière incursion.
Et c’est tant mieux.
La série « Gwendy » doit être considérée comme une friandise, une fantaisie acidulée, un exercice de style sympathique produit par deux amis partageant les mêmes valeurs et goûts littéraires.
On passera sur le caractère invraisemblable de Gwendy, femme politiquement influente qui, à 65 ans, atteinte d’Alzheimer, embarque pour un voyage spatial éprouvant sous des prétextes fallacieux, car sa « dernière mission » procure un moment de lecture très satisfaisant, dépaysant et truffé de madeleines kingiennes du meilleur effet.
Éric Albert

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