Le magicien quantique

Künsken, Derek; traduit de l’anglais (Canada) par Gilles Goullet
Science-fiction
Paris : Albin Michel, 2020, 487 pages, 22.90 € (Collection Imaginaire)

🙂 🙂 Un casse dans les étoiles

Belisarius Arjona est un homme quantique. Ses pairs ont été créés pour pousser les capacités cognitives de l’humain à un niveau extrême. En fugue quantique, Belisarius est capable de transformer la probabilité en réalité. Toujours sur le fil, de par sa nature-même, il a trouvé un équilibre précaire en tant qu’escroc. Et quand un client lui offre une immense richesse pour déplacer une flotte de vaisseaux de guerre à travers un trou de ver ennemi, Belisarius accepte la mission et se met en quête d’un équipage composé de post-humains comme lui, mais aussi d’une Intelligence Artificielle surpuissante répondant au doux nom de saint Mathieu. Réussiront-ils leur mission, au risque de déclencher une guerre interstellaire ? (présentation de l’éditeur)

Nouvelle plume chez Albin Michel Imaginaire

La collection Albin Michel Imaginaire gâte à nouveau les lecteurs avec la publication d’un jeune auteur encore inédit en français. Pour l’occasion, direction l’Amérique du Nord où Derek Künsken se profile depuis quelques années comme l’une des futures figures majeures de la science-fiction canadienne. Un statut pour le moins élogieux car, si le lecteur francophone ne le sait pas toujours, le Canada a accueilli et accueille encore de nombreux majeurs auteurs de la science-fiction. Citons seulement : le célébrissime A. E. van Vogt, chef de file de l’âge d’or de la science-fiction américaine au milieu du XXe siècle ; l’excellent et prolifique Robert Charles Wilson (lire et relire Spin) ; mais également des figures féminines et féministes incontournables comme Margareth Atwood (auteure de La Servante écarlate que l’on ne présente plus) et la plus discrète mais tout aussi importante Élisabeth Vonarburg (l’excellent Chroniques du Pays des Mères réédité récemment chez Mnémos). Loin de la science-fiction mesurée et engagée de ces deux dernières, Le Magicien Quantique propose une aventure de pur divertissement à la jonction entre les spéculations scientifiques complexes d’un Greg Egan et le space-opera grand spectacle de James S. A. Corey.

Physique quantique et as de la cambriole

Derek Künsken met ainsi en scène des éléments issus des matières les plus ardues de l’astrophysique (trous de ver et autres propriétés quantiques sont au cœur de l’intrigue). Que le lecteur se rassure, loin de l’aridité parfois rebutante de la hard s-f, Le Magicien quantique constitue un véritable plaisir de lecture destiné à un large public. S’il demande une certaine attention pour s’approprier l’univers et ses enjeux (mais n’est-ce pas là le propre de la science-fiction ?), le récit est mené d’une main de maître et l’intrigue, suffisamment haletante pour qu’on ne décroche pas une minute. Comment cette improbable bande de malfrats de l’espace va-t-elle réussir son coup ? Le cœur du roman est là et tous les ingrédients d’un bon récit de cambriolage sont au rendez-vous. Rebondissements multiples, trahisons et retournements de situation réjouiront les amateurs du genre.

De belles idées de science-fiction

Mais le cadre science-fictionnel n’est pas uniquement là pour donner au décors une touche d’exotisme bienvenue. Derek Künsken propose également de très belles idées. L’exploration des possibilités liées aux théories de la physique quantique offrent certes quelques beaux passages, mais c’est dans la création des différents types d’humains génétiquement modifiés que réside la plus grande originalité du récit. Car ces personnages hauts en couleurs, toujours à la limite de la folie, permettent à l’auteur de jongler avec un talent certain entre l’humour le plus absurde et l’horreur la plus glaçante, comme l’illustrent bien les Fantoches, ces humains miniaturisés créés pour être de parfaits esclaves ressentant une véritable extase religieuse face à leurs créateurs.

Une belle réussite

Pour un premier roman, Derek Künsken ne s’est pas facilité la tâche. Exploiter les codes du récit de braquage dans un contexte de science-fiction et mettre des théories scientifiques complexes et difficilement simplifiables au service d’une intrigue orientée action constituaient certainement un défi de taille. Le pari est largement gagné et le roman, étonnamment riche pour un texte relativement court (au regard des critères habituels du genre), se dévore en quelques sessions de lecture. La suite est déjà écrite, nous attendons sa traduction avec impatience.
Nicolas Stetenfeld

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