Les yeux des ténèbres

Koontz, Dean ; traduit de l’américain par Jacqueline Lenclud
Policier & Thriller
Paris : Archipel, 2020, 333 pages, 20 €

🙁 Une réédition opportuniste

Danny, 10 ans, est mort dans un effroyable accident. Et Tina, sa mère, n’a jamais pu identifier son corps. Un an plus tard, des signes prouvent pourtant à Tina que son fils est toujours en vie. Dès lors, elle n’a qu’une obsession : le retrouver et découvrir la vérité. Mais elle dérange et les services secrets tentent de l’assassiner. Qu’ont-ils à cacher ? Et si Danny était celui par qui la fin de l’humanité pouvait arriver ?Relire aujourd’hui ce thriller écrit dans les années 1980 donne des frissons… (présentation de l’éditeur)
Une (mal)heureuse coïncidence
Le nom de Dean Koontz est bien connu des amateurs de suspense et d’horreur. Cet infatigable prosateur enchaîne les publications depuis les années 1970 et est ainsi à la tête d’une œuvre inégale alliant le très mauvais (conscient de ce problème, l’auteur a d’ailleurs racheté les droits de certains de ses livres pour qu’ils ne soient plus diffusés), le tout juste honnête et quelques titres sortant du lot. Disons-le d’emblée, Les yeux des ténèbres ne fait malheureusement pas partie de cette dernière catégorie.
Si ce roman, épuisé depuis près de 20 ans, revient au devant de la scène, c’est à l’occasion d’une coïncidence, certes étonnante mais néanmoins anecdotique, avec l’actualité mondiale. En effet, dans ce roman, Koontz imaginait un virus créé en laboratoire dans la ville de Wuhan et nommé Wuhan-400. Cette ville est aujourd’hui connue pour être le point d’origine de la diffusion du virus, bien réel cette fois-ci, COVID-19.

Une opportunité éditoriale

Mise à jour par internet, le buzz qu’a créé cette coïncidence était évidemment une occasion en or pour les éditions de l’Archipel, nouvel éditeur de Koontz en français, de ressortir ce roman annonciateur avec, néanmoins, quelques mises à jours dans la traduction. En effet, si le plan de communication souligne l’incroyable sens de la prémonition de Koontz, son traducteur de l’époque n’avait apparemment pas ses talents de presciences et avait adapté le nom et l’origine du virus. Exit alors le Wuhan-400 pour un Gorki 400 d’origine russe, peut-être plus parlant pour le public des années 1990 lorsqu’il s’agissait d’établir un antagoniste au héros américain.

Un thriller lambda

Le Wuhan-400 ayant bien réintégré la version française, que nous offre à lire cette réédition ? Passons en revue les points positifs. On peut trouver un certain plaisir à se replonger dans l’ambiance de ces thriller typiques des années 1980 et Koontz a un certain talent de conteur qui permet d’éviter à l’ensemble le naufrage complet. La première moitié du roman se lit ainsi sans déplaisir même si elle souffre de longueurs inutiles voire irritantes puisque le personnage principal refuse contre toute logique (si ce n’est celle d’allonger suffisamment la sauce pour atteindre le nombre de pages requis) de comprendre les mystérieux messages liés à la disparition de son fils alors que le lecteur, même distrait, voit tout de suite où ceux-ci veulent en venir.
La seconde partie du roman s’embourbe quant à elle dans une suite de scènes d’actions improbables et un scénario complètement abracadabrantesque mêlant sociétés secrètes, manipulations génétiques et complots mondiaux. Les antagonistes, pourtant sensément à la pointe de leur domaine, se révèlent d’une bêtise ahurissante et font sombrer l’intrigue à un niveau nanardesque tellement improbable qu’il en devient presque amusant. Si l’on rajoute à cela des pouvoirs psy extrêmement puissants et, surtout, particulièrement pratiques pour faire avancer l’intrigue, l’on se retrouve avec l’impression d’assister à la retranscription de jeux d’enfants qui se racontent des histoires à base de « et là on disait que… ».
Arrivé à la toute fin du roman, la mention du fameux virus apparaît enfin. Comme celle-ci ne dépasse pas le statut d’anecdote et tient en quelques lignes de dialogue, le lecteur, s’il arrive jusque-là, peut légitimement se sentir quelque peu floué par la communication qui entoure cette réédition.

Enfants capturés et télékinésies

On a souvent comparé Stephen King et Dean Koontz. En effet, les deux publient dans les mêmes genres et sont de la même génération. Pour autant, là où le premier s’est imposé comme un des maître dans son domaine et un auteur à part entière, Koontz peine à sortir de la case de tout juste honnête faiseur de série B. Les yeux des ténèbres en est un bon exemple. Télékinésie, enfants exploités et brisés par le monde des adultes, autant de thématiques où King excelle (Carrie, Shining et le très récent L’Institut pour ne citer que ces trois-là) et avec lesquelles Koontz signe un roman médiocre qui ne plaira qu’aux lecteurs les plus cléments.
Si vous voulez vous replonger dans l’ambiance des thrillers paranoïaques de la fin du XXe siècle sachez que Stephen King publiait un certain Charlie en 1980, soit un an avant Les yeux des ténèbres. À bon entendeur…
Nicolas Stetenfeld

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