L’été la nuit

Wagner, Jan Costin ; roman traduit de l’allemand par Marie-Claude Auger
Policier & Thriller
Arles : Actes Sud, 2021, 282 pages, 22.50 €

🙂 Les jouets dangereux

Lors d’une déambulation dans une librairie, la découverte du présent quatrième de couverture laisse deviner une histoire très classique, mille fois utilisée : la disparition inquiétante d’un enfant, Jannis, cinq ans. Le kidnappeur a opéré en plein jour et alors qu’il y avait beaucoup de personnes présentes. Mais sa furtivité n’a laissé que de vagues images, une perception fragmentaire de l’instant. Le seul détail susceptible d’aider les enquêteurs est la présence d’une peluche. Les policiers chargés de l’investigation vont alors collecter les morceaux épars de ce cas épineux. Peu à peu, ils vont affiner leur approche jusqu’au moment où ils feront face à une autre terrible réalité : la similitude de la disparition de Jannis avec celle d’un autre garçon il y a de nombreux mois de cela. Inexorablement, le temps continue de s’écouler.

Aride

Mais l’univers de cet écrivain allemand est tout sauf conventionnel. Ce qui vous frappe d’emblée, c’est le style très particulier. Organisé en chapitres souvent courts, le texte est composé de phrases généralement simples et de techniques stylistiques déstabilisantes, comme ces dialogues ramassés, presque à l’économie, avec leurs non-dits et parfois des suspensions du temps suggérées par l’absence totale d’interaction entre les personnages. Il n’y a pas de percussion dans ce roman, pas d’action, pas de moments de tension extrême. Encore moins de la violence. Ce qui passe au premier plan, c’est la psychologie des personnages, leurs questionnements, leurs doutes, leurs obsessions ou encore les fractures de leur existence. C’est ainsi que la trame se construit, en passant d’un protagoniste à un autre et éclairant la situation au travers du prisme que constitue leur personnage. Avec pour effet la presque relégation du fil rouge principal au statut de pièce rapportée. D’ailleurs l’auteur ne revient à une forme plus conventionnelle que dans les quelques dernières pages du roman.
Le mot qui me vient à l’esprit est « aride ». Et ce roman m’a très souvent évoqué le cinéma expérimental des années ’60 / ’70 : décors dépouillés, silences dans l’intrigue, noir et blanc surexposé. Mais si vous ne lâchez pas le livre, si vous arrivez à entrer dans cet étrange décorum, alors vous allez au bout de l’histoire. Et c’est cela la plus grande réussite de Jan Costin Wagner.
Alain Quaniers

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