Quand je ne serai plus là

Green, Linda; traduit de l’anglais par Freddy Michalski
Policier & Thriller
Paris : Préludes, 2020, 18.90€

🙁 C'est ton destin

Casus belli

Que voilà un cas étrange…Si on surfe un minimum sur la toile à la recherche d’avis sur le livre dont il est question ici, on remarquera facilement l’enthousiasme des critiques, la quasi-unanimité pour reconnaître un grand roman, un suspense époustouflant, une cotation moyenne de 4 sur 5…
Si on excepte la propension à penser que les critiques négatives ont été systématiquement écartées (ouh, le spectre du Grand Complot !), il reste à me poser la question de savoir si j’ai lu ce livre dans un moment et/ou dans un endroit appropriés. L’état d’esprit du lecteur est toujours à même d’induire une lecture déconnectée, superficielle, composant un ressenti où se disputent les réminiscences des petits tracas de la vie quotidienne et le parcours narratif de personnages dont on pénètre l’univers.
Mais le propre d’un bon livre n’est-il pas de nous extraire de la réalité, d’accompagner des figures et personnalités d’encre et de papier sur un parcours jalonné d’expériences et d’aventures vécues par procuration ? Un bon livre doit être propice à l’immersion inconditionnelle.

Fantastique de pacotille

Au plus, le livre de Linda Green aura suscité en moi un intérêt curieux, grâce à son pitch (une femme reçoit des messages électroniques – qu’elle seule peut voir – émanant du…futur, lorsque des circonstances de vie douloureuses auront eu raison de son existence) et à une entame prometteuse.
Je ne suis pas sans savoir que les livres sont écrits pour un public ciblé, une catégorie de lecteurs définie dès le départ. Le roman de Green plaira donc plus – ouh le vilain macho – à un lectorat féminin. Pourquoi ? Parce qu’au centre du récit réside une histoire d’amour qui commence comme un conte de fée moderne (soudain, un inconnu vous offre des fleurs…), se poursuit avec des descriptions tout à fait surfaites relatives à des séances de maquillage, de choix de tenues, d’émanations de romantisme, et se clôture par un happy-end où la femme – les femmes par extension – en sortent grandies, magnifiées malgré les épreuves endurées. 
La narration lénifiante de l’auteur – loin d’être désagréable – ne se hausse jamais au-dessus des stéréotypes, voire de la caricature accolée (à coller) à l’amitié entre deux femmes, à la grossesse, au mariage, à la difficulté d’être femme dans un monde d’hommes, à la duplicité des êtres, à la violence conjugale.

La raison d’être

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’héroïne – qui passe son temps à subir les événements – s’est entichée d’un homme violent qui, peu à peu, va révéler son vrai visage et son passé trouble et dont la mère, véritable succube psychopathe, exacerbe le decorum dramatique.
Le postulat prétendument fantastique s’étiole rapidement. Si les messages qu’elle reçoit du futur lui indiquent les événements qui l’attendent (son fils, Harrison, va-t-il vraiment devoir vivre sous la férule de sa grand-mère paternelle ? ; son mari va-t-il vraiment parvenir à manipuler les rouages de la justice pour s’en sortir à bon compte ?), on peut douter de la vraisemblance de ceux-ci. En effet, les messages sont écrits – principalement sur Facebook mais également vie des posts plus personnalisés – par des proches de l’héroïne (son père, des amies,…). Mais qui prendrait la peine de verser sur la Toile des messages destinées à une morte ? Qu’est-ce qui peut justifier ce besoin de communication post-mortem ?
Ici, ce concept sert principalement à faire avancer l’intrigue, point barre. Et le procédé apparaît rapidement poussif.

Prolongation pédagogique

L’annexe finale au livre explique les raisons qui ont poussé l’auteure à entreprendre la rédaction de ce texte ; c’est aussi l’occasion de donner les coordonnées de quelques associations versées dans la défense des femmes battues, prouvant le leitmotiv fondateur d’un roman qui ne fait cependant qu’effleurer le sujet (le temps de quelques comportements bizarres et de quelques baffes bien senties – encore un effet de la caricaturisation ambiante).
Si, personnellement, et à l’instar de Sacha Guitry, je suis “contre les femmes…tout contre”, et que je honnisse toute violence exercée envers la gent féminine, je ne peux cependant pas prêter au livre de Linda Green l’auréole de livre indispensable.
Eric Albert

1 Commentaire. Leave new

  • Michèle Bastin
    3 septembre 2020 9 h 16 min

    J’ai acheté ce livre pour ma bibliothèque et l’ai encodé en adulte. Après l’avoir lu, je me demande maintenant si je ne devrais pas le reclasser en « 15+ ». L’intrigue, si elle est attirante au début, est cousue de fil blanc et l’on comprend très vite ce qui va se passer. Et, en effet, le prétexte de la problématique de la violence conjugale n’excuse pas la pauvreté de la construction du récit.

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