Sandremonde

Deparis, Jean-Luc
Science-fiction
Paris : Actes Sud, 2020, 590 pages, 24 € (Collection Exofictions)

🙂 Première incursion en demi-teinte en fantasy

Avec sa peau sombre et ses cheveux de neige, Elyz-Ana ressemble aux Shaël-Faars, ces êtres de légende qu’on dit capables de résister au pouvoir d’Isidis, la Déesse céleste qui règne sur Sandremonde. Lorsqu’elle a vent de cette étrange enfant, l’Église tente de la capturer. Traquée, Elyz-Ana trouve refuge au sein de la Guilde des sicaires d’Atabeg et grandit dans la faille qui perce cette cité. Elle y rencontre un mystérieux cavalier noir qui lui raconte l’histoire des Saudahyds, son peuple qui vivait au nord des Monts de Sombodor avant d’être exterminé par les Anges d’Isidis il y a mille ans.
Elyz-Ana comprend qu’elle est une Saudahyd. Mais elle ne sait pas encore qu’elle est l’enfant-destin, chargée de ramener son peuple du monde des morts. (présentation de l’éditeur)

De la fantasy chez Actes Sud

Pour cette première véritable incursion dans le genre de la fantasy, la sympathique mais inégale collection Exofictions d’Actes Sud fait un pari audacieux : publier un premier roman d’un auteur français. C’est avec un plaisir toujours particulier que l’on découvre une nouvelle plume. La lecture de ce Sandremonde était d’autant plus réjouissante que la maison d’édition avait jusqu’à présent exploré des imaginaires non-francophones et misé essentiellement sur des succès en langue étrangère. Le lecteur pouvait légitimement se demander quelle petite pépite elle nous réservait alors. Nouvel auteur ne signifie pourtant pas imaginaire inédit et ce Sandremonde s’inscrit en représentant fidèle et particulièrement appliqué de l’Heroic fantasy. Au menu : héroïne amnésique, quête initiatique et lutte entre le bien et le mal dans un univers médiéval-fantastique. La recette est connue, le résultat peut-il dès lors surprendre ?

Un démarrage prometteur

Avec près de 600 pages et un incipit des plus classique, Sandremonde semble s’adresser aux aficionados du genre. Pourtant le premier tiers du livre, sorte de long acte introductif posant les bases de l’univers et de ses enjeux, réserve de très belles surprises et déjoue les prévisions. On suit ainsi avec intérêt les premiers pas de cette jeune fille mystérieuse dans un univers littéralement soumis au pouvoir des dieux et des Églises qui les servent. Alors que l’on craignait une énième variation autour du Seigneur des Anneaux ou de Game of Thrones, on se surprend à penser aux étranges Contrées du rêve de Lovecraft. Cerise sur le gâteau, l’écriture, classique mais raffinée, poétique sans excès, rappelle la justesse de celle de Christian Léourier. Un démarrage plus que prometteur en somme.

Une suite en demi-teinte

Malheureusement, une fois l’univers installé, le récit se recentre presque exclusivement sur la quête initiatique de son héroïne et perd en intérêt ce qu’il gagne en longueur. Car les 400 dernières pages donnent l’impression d’un récit inutilement délayé. On finit par suivre d’un œil distrait les pérégrinations et autres atermoiements d’une héroïne qui, paradoxalement, perd en chair à mesure que le récit tente de la construire. On finit d’ailleurs par attendre avec impatience les chapitres consacrés au Cardinal Premier, chef de l’Église d’Isidis, et à ses puissants moines-soldats. Par contraste ceux-ci sont nettement mieux traités puisqu’ils échappent même au statut « de grands méchants irrécupérables » auquel la première partie du récit semblait les assigner.
Le véritable grand écart qui existe entre la première partie du roman et sa suite donne à Sandremonde des allures de victime du syndrome Star Wars épisode VIII. Les éléments patiemment mis en place dans le premier tiers du livre sont ainsi balayés, ignorés dans sa suite. Ils constituaient pourtant la principale originalité du récit et assurait son intérêt. Tout cela écarté, reste une quête initiatique sans grande saveur qui enchaîne les passages obligés et perd peu à peu l’intérêt du lecteur lassé.

Du bon et du moins bon

Au final, Sandremonde de Jean-Luc Deparis, s’il est loin d’être exempt de tout défaut et souffre des maux trop souvent diagnostiqués chez les premiers romans, propose un univers particulièrement travaillé mais finalement peu exploité. En reste une écriture sensible et de beaux paysages. Ils ne sauveront malheureusement pas totalement un roman qui aurait mérité un important travail éditorial pour proposer une narration plus resserrée et plus efficace.
Nicolas Stetenfeld

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