Vaughan, Brian K. (scénario) ; Martin, Marcos (dessin)
Bande dessinée
Paris : Delcourt, 2020, 13.50 €
🙂 🙂 A pleines dents
« Fontaine, je ne boirai plus de ton eau » est sans doute l’adage qui est le plus souvent trahi en littérature, Bd et cinéma. Car quand un concept, une idée de base, un moteur est trouvé et qu’il obtient une résonance importante tant en termes de critique que de retombées financières, il y a peu d’auteurs qui ne se décideraient finalement pas à céder aux sirènes d’un consumérisme culturel, que d’aucuns se plaisent à enrober sous des arguments artistiques irrévocables.
Ainsi les créateurs de « Walking Dead » avaient mis fin à leur aventure sur papier après 33 volumes. Ce qui, en soi, relevait déjà de la gageure, les zombies, aussi lents que stupides, parvenant quand même à damer régulièrement le pion à des humains en perdition, même si, au fil de l’histoire, on a pu comprendre que le pire ennemi de l’homme n’était finalement que lui-même, guidé par des pulsions de puissance, de pouvoir et d’asservissement.
Or, voici que Kirkman et ses complices se fendent d’une courte histoire mettant en scène le méchant le plus emblématique de leur série, le redoutable Negan. Devenu insensible suite à la perte de son épouse, Negan survit dans le monde apocalyptique armé de sa chère batte de base-ball. Il vit caché mais constamment sur ses gardes. Lorsqu’une frêle et fraîche jeune fille débarque dans son chez lui à l’improviste, il n’est pas long à sentir le coup fourré. Et, de fait, il va devoir composer avec une bande de chelous animés de très mauvais sentiments. Tandis que les zombies, au-dehors, pourraient bien devenir les arbitres ultimes du combat à mort qui se dessine…
Que dire de ce mini-opus sinon qu’il répond parfaitement au cahier des charges ? On sent que les auteurs originaux de la série en ont encore sous la pédale et il se pourrait même qu’ils ne s’arrêtent pas là… Si c’est pour poursuivre dans cette veine où la tension dramatique se dispute à la qualité du dessin, on ne demande pas mieux.
Mais, cependant, pour savourer cette histoire inédite, il faudra s’acquitter de l’achat de ce spin-off, dont le premier volume s’intitule « L’Etranger », qui délocalise les événements en Europe. Car, bien sûr, la pandémie de zombification est mondiale et la simple idée de transposition sur un autre continent ouvre la voie à de nouveaux héros, de nouvelles aventures et de nouvelles joyeuses morsures.
Nous suivons donc la descente aux enfers du frère de Rick Grimes, Jeffrey, qui réside à Barcelone, en Espagne. Aux prises avec des morts-vivants particulièrement affamés, il ne doit sa survie qu’à l’intervention de Claudia, une jeune catalane qui a entrepris de gagner les USA où, d’après la rumeur, un remède contre l’épidémie aurait été trouvée. Par chance, elle connaît le moyen de passer inaperçue en empruntant les égouts de la ville jusqu’au port. Direction : Ibiza où une de ses connaissances possède un jet privé…C’est bien sûr sans compter sur les affamés de la rue qui ont l’art de surgir là où les attend le moins…
Et un nouveau tour de manivelle est orchestrée avec cette mise en bouche bien alléchante. On regrette cependant le dessin de Adlard (celui de Martin étant plus lisse et moins précis sur les détails) et la relative pauvreté scénaristique commise par Brian Vaughan. Donnant la priorité à la progression aventureuse, le récit enfile les scènes d’action sans réelle respiration. La septantaine de pages du volume se dévore en un rien de temps, nous laissant sur notre faim, créant même un fossé entre la logorrhée parfois envahissante des dialogues de la série originale et la multitude de cases vides du moindre mot de celle-ci.
Mais cela n’empêche pas le plaisir de la lecture.
Pour l’une comme pour l’autre, ces deux nouvelles séries ont le potentiel pour durer encore de longues années.
On croyait « Walking Dead » mort. Le voici doublement ressuscité.