Après

King, Stephen ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marina Boraso
Policier & Thriller
Paris : Flammarion, 2019, 329 pages, 20.90 €

🙂 🙂 "Je vois des gens qui sont morts" - Moi aussi!

Voie parallèle

Grand Seigneur, Stephen King s’est lié à une petite maison d’édition américaine pour laquelle il a accepté de rédiger une série de romans afin de rehausser de son nom prestigieux le catalogue, spécialisé dans le roman policier et le thriller. Il a commencé sa collaboration avec la parution de « Colorado Kid », suivi quelques années plus tard par « Joyland ». Aujourd’hui, « Après » constitue donc sa troisième livraison. Le point commun de ces romans à parts entières tient au nombre relativement peu élevé de leurs pages (300 en moyenne) et à une expression fantastique ou de suspense légèrement en-dessous de celle avec laquelle il a l’habitude de jongler dans ses productions traditionnelles. Attention, cela ne signifie pas que ces trois romans sont mauvais (loin de là). Ils sont d’excellentes portes d’entrée dans le monde du King. A ce propos, « Après » se révèle encore davantage connecté au multivers que l’auteur a mis en place depuis ses débuts.

La permanence des morts

Le jeune Jamie Conklin voit les morts. Jusqu’à quelques heures ou jours après leur décès, le garçon peut entrer en contact avec eux, entretenir de véritables discussions et recueillir ainsi de précieuses informations. D’autant plus précieuses qu’il s’avère que les morts sont incapables de mentir.
Sa mère, Tia, travaille pour une maison d’édition qui ne survit que grâce aux romans à succès de Régis Thomas, un auteur de westerns à dominance aventureuse et érotique. Lorsque ce dernier meurt, l’avenir s’assombrit sauf si James questionne l’auteur afin qu’il livre le schéma narratif et les péripéties de son dernier roman. Il suffirait à sa mère de poursuivre la rédaction de l’histoire, en appliquant les recettes et le ton de Régis Thomas qu’elle connaît si bien.
Liz Dutton, la compagne de Tia, est une inspectrice de police. Sa carrière étant en ballottage, elle entend bien profiter du don du jeune garçon pour mettre un terme aux agissements d’un tueur en série qui sévissait depuis quelques temps et qui vient d’être tué avant de pouvoir révéler l’emplacement d’une bombe dévastatrice. James parvient à recueillir les aveux du tueur. Mais, à la différence des autres défunts qu’il a eu l’occasion de rencontrer, dans ce purgatoire entre la vie terrestre et la promesse d’un au-delà hypothétique, le dénommé Thumper semble s’accrocher à ses basques et refuser de disparaître. Pire, il se met à proférer des menaces et à révéler des informations bien peu plaisantes à propos de la santé des proches de James.
Grâce aux bons conseils et aux connaissances du vieux Monsieur Burkett, un habitant de l’ancien immeuble qu’occupaient Jamie et sa mère à qui le jeune homme a confié l’existence de son don, la seule solution de se débarrasser de ce mort encombrant serait de l’affronter lors du rituel de Chüd, un cérémonial ésotérique ancien destiné à démontrer à un démon vengeur que la personne qu’il possède ne le craint pas. Et cela semble fonctionner…
Liz Dutton doit de son côté lutter contre ses propres démons. Elle est en effet toxicomane et cette addiction provoque sa rupture avec Tia. Complètement accro à la came, elle cherche à savoir où un narco trafiquant notoire a pu planquer une grande quantité d’Oxycontin. Elle compte utiliser encore une fois le don de James mais est contraint de l’emmener contre son gré.
Pour assurer sa survie, le jeune garçon va devoir faire preuve de courage mais aussi se résoudre à appeler à son aide la créature qu’il a emprisonnée.

Inspiration commune

Ce n’est évidemment pas la première fois que Stephen King utilise un personnage capable de voir les morts. Il suffit de penser au Danny Torrance de « Shining ». Mais le protagoniste du présent opus fait plus référence au garçon du « Sixième sens », le film de M. Night Shyamalan.
Le thème est similaire mais le traitement totalement différent (pas question de plagiat ici).
Le récit, livré à la première personne, se dévore au gré des chapitres courts. La traductrice, Marina Boraso, a su respecter la fluidité et la clarté de la langue de Stephen King – ce texte figure parmi les plus confortables à la lecture, mais cela peut être mis sur le compte du fait que c’est un jeune garçon qui s’exprime tout au long des 329 pages du livre -.
A travers les aventures vécues par les personnages, King ne résiste pas à la tentation – la signature, la marque de fabrique – de glisser quelques références à d’autres de ces productions. Ici, il s’agit clairement de « Ça », son incontournable pavé, puisque le mort qui s’accroche à son héros est possédé par une sorte de « lumière morte » et qu’il est temporairement vaincu grâce au même rituel psychique (Chüd) qui permet aux enfants de Derry de se défaire une première fois du monstre incarné par le clown Grippe-sou !
Pour les lecteurs assidus du Maître, « Après » aura certainement un goût de trop peu et ils n’auront d’autre hâte que de pouvoir découvrir rapidement « Billy Summers » le prochain titre à paraître. Pour les nouveaux lecteurs, cet opus devrait leur apporter toute la satisfaction attendue.
Une nouvelle réussite, en mode mineur, mais une réussite tout de même.
Éric Albert

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