Eclosion : tome 1

Boone, Ezekiel; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jérôme Orsini
Fantastique
Actes sud, 2018, 363 pages, 22,50€

🙂 🙂 Une bestiole appelée à régner

L’année dernière, un certain Nick Cutter a proposé une histoire bien sanglante, dérangeante, qui repoussait les limites de l’horreur pure. Son « Troupe 52 » a été une expérience de lecture traumatisante. Il s’est avéré que le nom de l’auteur était en fait le pseudonyme de Craig Davidson, à qui on doit, entre autres, « De rouille et de sang », autrement dit un roman aux antipodes de ce qu’il nous a offert avec sa troupe de scouts aux prises avec une épidémie organique monstrueuse.

Le même constat se révèle avec « Eclosion ». Ezekiel Boone est le nom de plume de Alexi Zentner, auteur du remarqué « Les Bois de Sawganet ». Et si on retrouve dans sa production habituelle une certaine poésie fantastique, on peut sans conteste affirmer qu’avec « Eclosion », il a ouvert toutes les vannes de son imagination horrifique. Son livre fait peur, très peur, bien qu’il exploite une thématique usée de la SF, à savoir la prise de contrôle de l’homme par une espèce animale. Pensons à Pierre Boulle (« La Planète des Singes »), à Clifford D. Simak (« Demain les Chiens ») ou à James Herbert (« Les rats » et ses suites). La force du présent récit réside dans une perspective mondiale (l’invasion est internationale) et dans la construction impitoyable, réellement addictive, de la narration.

Dans la jungle du Pérou, une expédition est décimée par ce qui semble être un nuage noir qui engloutit tout ce qui se trouve sur son passage. Seul Henderson, un milliardaire, a pu sortir vivant du pays…mais avec des hôtes bien indésirables dans le corps. Au même moment, en Chine, une explosion nucléaire déclarée accidentelle réduit en cendres une partie de l’Ouest du pays. Puis, en Inde, un vent de panique gagne les habitants de Delhi, envahie par une race d’araignées inconnue.

Dans un laboratoire américain, les scientifiques étudient un étrange sac calcifié qui se révèle être un nid arachnide, arraché à la terre de Nazca, et datant de plus de 10.000 ans ! Ce qui ne l’empêche pas de reprendre la lente évolution vers son éclosion.

Ces événements ne laissent pas d’inquiéter la Présidente des Etats-Unis. Lorsqu’un cargo percute les quais du port de Los Angeles et que des bestioles suspectes s’en échappent, lancées dans une furia dévastatrice transformant les hommes en denrée alimentaire recherchée, la quarantaine puis l’état de siège est ordonné.

Quelques jours plus tard, aux quatre coins du monde, les araignées voraces meurent subitement. Est-ce là la fin de l’alerte, ou les prémisses d’une horreur encore plus menaçante ? Cette première invasion n’était-elle pas là pour préparer l’émergence d’une autre espèce à huit pattes ?

Tandis que des cocons sont encore découverts de-ci, de-là et que leur développement s’accélère, tandis que l’étude des cadavres chitineux laisse entendre que les créatures sont biologiquement programmées pour remplir des missions bien spécifiques (certaines étant dépourvues de système reproducteur), la rumeur qui avance que la Chine a utilisé l’arme atomique pour contrevenir à un danger incontrôlable saisit le monde d’un sentiment de peur diffuse.

Boone n’y va pas avec le dos de la cuillère : il nous relate par le détail l’appétit de ces créatures (jusqu’au bruit de leurs mandibules), leur façon de coloniser le corps des humains…et d’en sortir par tous les trous, naturels ou provoqués, leur comportement bien moins erratique qu’il n’y paraît – l’espèce est exceptionnellement sociale et respecte des manœuvres de stratégie militaire -, leur inéluctable survivance…

Les personnages du roman sont convaincants, bien typés, et les protagonistes femmes semblent tenir le haut du pavé (la Présidente US, la scientifique chevronnée). La fluidité du texte, les descriptions des scènes d’action, le caractère intimiste des considérations psychologiques, le sens du suspense (le récit nous balance dans les deux hémisphères et alterne les localisations), la construction même (chapitres courts, dialogues tranchés, émergence subite de cliffhangers),…tous ces éléments témoignent d’un véritable talent et d’un goût réel pour l’épouvante et l’horreur.

Les éditions Actes Sud seraient bien inspirées de ne pas attendre trop longtemps avant de publier les deux autres romans qui font suite à celui-ci. L’attente est déjà – presqu’insupportable. (info de dernière minute : le second volume « Infestation » est déjà prévu pour la rentrée de septembre !)

L’adaptation en série télévisée de cette trilogie qui fait terriblement froid dans le dos est déjà en cours.

Du pain béni pour les amateurs !

Eric Albert

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Fill out this field
Fill out this field
Veuillez saisir une adresse de messagerie valide.
You need to agree with the terms to proceed