Emma dans la nuit

Walker, Wendy; traduit de l’anglais par Karine LALECHÈRE
Policier & Thriller
Sonatine, 2018, 312 pages, 21 €

🙂 🙂 Fractures familiales

Cassandra, 15 ans, et sa sœur Emma, 17 ans, ont disparu il y a trois ans. Aucune explication n’a pu être apportée : fugue, enlèvement, accident, toutes les hypothèses sont restées ouvertes faute d’indices probants. Juste quelques effets sur une plage, que personne n’a pu interpréter. Et voilà Cassandra qui réapparait, sur le seuil de son domicile. Elle est immédiatement prise en charge par la psychiatre qui était intervenue à l’époque, et que cette disparition n’a cessé de travailler. Si cette affaire l’obsède à ce point, c’est parce qu’elle devine une famille dysfonctionnelle, organisée autour d’une mère perverse narcissique, qu’elle semble être la seule à percer à jour. Et ce type de personnalité, elle connaît. Elle en connaît surtout les effets dévastateurs sur l’entourage, à long terme et de génération en génération. Et souffre toujours de n’avoir rien pu faire pour retrouver les filles à l’époque. Cassandra parle peu, mais réfléchit beaucoup : « il faut qu’ils se mettent à chercher Emma » est son leitmotiv et ses réponses aux tentatives d’investigations tendent toutes vers ce but. La psy fait rapidement la part entre ce qui doit être vrai dans le récit et ce qui ne peut l’être. Ce qui semble spontané et ce qui a manifestement été répété. Mais pourquoi ? Qui est vraiment Cassandra ? Va-t-elle les mener à sa sœur ?

Ce roman psychologique plante rapidement le décor : la disparition des deux sœurs en toile de fond, la famille recomposée de la mère d’un côté, le père seul et désemparé de l’autre. C’est avec les yeux des deux principales protagonistes – la jeune Emma et la psychiatre – que nous intégrons la dynamique des membres de cette famille. C’est à coup de petites anecdotes, à priori insignifiantes et sans doute banales par la plupart des gens, que la cadette va subtilement tracer sa route et mener les enquêteurs là où elle veut les mener. Peu d’action finalement, mais une tension croissante tant nous suivons, nous aussi, les petits cailloux semés le long du chemin.

Ce roman est bâti autour d’une maladie mentale qui est habilement décrite, tant dans sa forme que dans ses origines ou dans les personnalités dont elle a besoin pour se déployer. Le propos est parfois un peu trop appuyé, la démonstration prenant alors le pas sur le récit. A certains moments, l’intrigue progresse donc par à-coups, quand les explications cliniques se font un peu longues ou lourdes. Mais l’histoire reprend aussitôt son cours sans rien perdre de l’intensité qu’a su y insuffler l’auteure. Le doute imprègne les échanges du début à la fin. Le style est travaillé, les personnages profonds, le mystère épais. Amateurs du genre, précipitez-vous !

Joëlle Mainfroid

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