Gueule de truie

Niogret, Justine
Science-fiction
Saint-Laurent-d’Oingt : Mnémos, 2020, 250 pages, 9.90 € (Hélios)

🙂 🙂 Apocalypse ratée mais roman réussi

Il s’appelle Gueule de Truie. Le visage dissimulé sous un masque de métal, il est devenu Cavale. Aux ordres des Pères, il a pour mission de détruire les dernières traces de vie restantes afin d’exterminer l’humanité. Car l’Apocalypse a eu lieu, emportant le monde du passé et ne laissant qu’une terre pourrissante et des survivants à la morale rongée. Dans cet univers glauque au quotidien violent, Gueule de Truie rencontre un jour une petite fille. Quasi mutique, tenant une mystérieuse boîte en métal, elle semble avoir un but. Il va décider de lier son destin au sien et de l’accompagner dans sa quête vers le centre du monde, le lieu où tout a commencé et où tout s’est achevé. (présentation de l’éditeur)

Une plume singulière de la littérature de l’imaginaire

Découverte il y a une dizaine d’année avec le diptyque de fantasy, Chien de Heaume et Mordre le bouclier, Justine Niogret a su se faire une place à part en littérature de l’imaginaire. Son style d’écriture brut et haché, est devenu immédiatement reconnaissable. Naviguant avec bonheur entre les genres, elle a depuis publié de nombreux romans aux univers bien tranchés mais unis par une égale noirceur et une violence bien présente. Gueule de Truie ne fait pas exception.

Roman post-apocalyptique

Probablement signe de nos temps troublés, le roman post-apocalyptique bénéficie d’un réel succès éditorial depuis de nombreuses années. L’actualité la plus récente confirme d’ailleurs cette tendance avec, entre autres, la sortie de l’excellent et très ludique Un océan de rouille, ou encore le récent Le Livre de M. Paru en 2013 mais disponible depuis quelques semaines dans la collection de poche Hélios (à suivre absolument), Gueule de Truie arrive sans problème à tirer son épingle du jeu et à proposer une approche personnelle d’un genre pourtant déjà bien exploré.

Folie et spiritualité

Pour prendre une métaphore qui rendrait hommage à l’univers poisseux du roman, le monde est devenu une flaque de merde dans laquelle quelques humains au bord de la folie tentent de donner un sens à l’anéantissement. On y suit principalement Gueule de Truie, personnage complexe, radical porté par une haine féroce du monde, de soi et des autres. Sa mission officielle est d’exterminer les derniers humains et ainsi d’achever l’Apocalypse. Mais Gueule de Truie est également à la recherche d’une forme de rédemption. Une échappatoire qu’il croit trouver chez une étrange jeune fille transportant une boite de conserve remplie de cendres dont on ne saura pas grand chose. Mais dans ce monde rempli de dangers, la pire menace ne vient peut-être pas de l’extérieur.
Principalement focalisé sur Gueule de Truie, le récit, tout comme les descriptions, sont continuellement parasités par la vision biaisée du personnage. Son regard est en effet perverti par la folie et la mystique mortifère qui l’animent. En résulte un roman sombrissime qui n’hésite pas à flirter avec le fantastique. S’il perd en réalisme, il s’entoure ainsi d’une aura de mystère qui donne une impression d’ampleur à l’univers dans un texte pourtant relativement court.

Noir, noir, noir

S’il ne va pas jusqu’à provoquer le malaise que l’on pouvait ressentir à la lecture d’un roman comme La Route de Cormac McCarty, Gueule de Truie présente pourtant une radicalité encore plus forte. Aucun espace n’est laissé à l’espoir, aucune éclaircie ne vient estomper la noirceur du récit. Radical dans son univers, radical dans son écriture, le roman de Justine Niogret est un livre-coup de poing qui ne plaira pas à tout le monde. Il reste néanmoins une exploration originale et sans concession du genre post-apocalyptique. Avis aux amateurs.
Barbara Mazuin

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