La valse des tulipes

Martin, Ibon ; roman traduit de l’espagnol par Claude Bleton
Policier & Thriller
Arles : Actes Sud, 2020, 477 pages, 23 € (Actes noirs)

🙁 Le train-train des tueurs en série

L’unité spéciale d’homicides notoires : tel était le nom improbable du nouveau groupe chargé d’enquêter sur des crimes « majeurs » au sein de la police basque. À sa tête, Ane Cestero, une jeune inspectrice dont la première mission sera de résoudre le meurtre atroce d’une journaliste de la télévision locale, âgée d’une cinquantaine d’années. Attachée sur une chaise sur une voie de chemin de fer, elle avait vu -et elle n’était pas la seule, le meurtrier ayant pris soin de retransmettre en direct la scène sur les réseaux sociaux- un train conduit par son propre époux lui foncer dessus.
Au sein de la nouvelle unité, tout n’est pas rose : même si tous travaillent d’arrache-pied pour mettre la main sur l’auteur de ce crime inédit, certains se seraient vus à la place d’Ane, aux commandes de l’équipe. Alors que d’anciennes histoires sentimentales minent une partie des relations au sein de l’unité, une autre femme est assassinée à Gernika, la ville qui semble au cœur de l’affaire. Moins spectaculaire, ce deuxième meurtre est toutefois rapidement relié à celui de la journaliste par la présence d’un bouquet de tulipes sur les lieux du crime.

Un roman scolaire

Premier roman traduit en français pour Ibun Martin, « La valse des tulipes » marque visiblement le début d’une nouvelle série consacrée à cette « Unité spéciale des homicides notoires ». Ne tournons pas autour du pot : s’il pourrait satisfaire un lecteur occasionnel de roman policier ou un amateur de thrillers sans âme, ce premier opus risque de très vite horripiler les plus exigeants. Un tueur en série qui signe ses meurtres d’une fleur très difficile à faire pousser, une enquête qui plonge dans le passé récent de l’Espagne (le Franquisme), un couvent où d’acariâtres nonettes se croient exemptées des obligations que la loi impose au commun des mortels : tout cela ne suffit pas à accoucher d’un « page turner » comme le clame un peu vite le quatrième de couverture. Pas désagréable à suivre en tant que telle, l’enquête se voit plombée par des personnages très légers, monolithiques (le père de Ane représentant à cet égard un sommet du genre : fainéant, joueur, sexiste, menteur et violent avec sa femme) lorsqu’ils ne sont pas animés de bons sentiments dignes d’un roman de Danielle Steele. Les rebondissements se révèlent majoritairement attendus, alors que les scènes d’action, lymphatiques ou avortées, manquent cruellement de capacité évocatrice. Ajoutez à cela des tics de langage agaçants et une propension à l’étalage des spécialités locales -géographiques, culinaires et sociologiques- parfaitement artificielle, et vous atteignez un point de basculement. Là où la maison d’édition d’Arles avait plutôt eu la main heureuse en dénichant des auteurs hispaniques prometteurs (Victor del Arbol, Mikel Santiago ou Agustin Martinez), elle semble avoir ici opéré à l’aveugle : trop long, scolaire, dénué d’humour et de souffle, « La valse des tulipes » ne donne pas envie d’entrer dans la danse d’un deuxième tome.
Nicolas Fanuel

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