Luigi Lucheni, l’anarchiste qui tua Sissi : mémoires

1898, l’impératrice Elisabeth d’Autriche, Sissi, est poignardée à mort sur les bords du Lac Léman. Son assassin est un jeune ouvrier italien de 25 ans, Luigi Lucheni. Emprisonné à perpétuité à Genève, Luigi apprend le français et commence à rédiger ses mémoires dans des cahiers. Ceux-ci s’interrompent quand un gardien s’en empare. Luigi Lucheni est retrouvé peu après pendu dans sa cellule, à l’âge de 37 ans.

Récit d’une enfance volée

5 cahiers ont été rédigés entre 1907 et 1909. Jugés sulfureux, ils ont disparu très vite, sans doute cachés par un tôlier. Ils furent retrouvés en 1938 par un collectionneur de vieux papiers. Il s’agit ici de leur première publication.

L’intention de Lucheni, en écrivant ses mémoires, était de réfuter certaines versions de son acte, qui eu un retentissement mondial.

Son récit est poignant : né de père inconnu, abandonné à la naissance par sa mère, l’enfant est ballotté d’orphelinats en familles d’« accueil ». Privé de tout repère affectif, celui qui devint un assassin n’exprime ni remords, pas plus qu’il ne justifie son acte. Son histoire suffit à elle-même. Rageur, Lucheni fait le procès d’une société socialement clivée, qui altère l’âme des plus humbles, jusqu’à cet acte extrême dans son cas. Le vol de ses cahiers le mènera à un autre.

Est-il vraiment anarchiste ? Pas vraiment. En réalité, s’il déteste l’Eglise et l’injustice (dont il fait preuve), il aime l’armée et reconnaît la nécessité d’une autorité, d’un cadre.

Il est inédit qu’un ouvrier (de l’époque) apprenne et rédige dans une autre langue que la sienne. Il y fait preuve d’une lucidité, d’un certain humour aussi, certes cynique. Il salue notamment le procès qui lui a permis de connaître le nom de sa génitrice.

Un texte essentiel.

Barbara Mazuin