M. Je-Sais-Tout : conseils impurs d’un vieux dégueulasse

Waters, John; récit traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laure Manceau
Documents
Arles : Actes sud, 2023, 489 pages, 10.90 €

🙂 🙂 🙂 Cinéaste à la réputation de mauvais goût

« Bizarrement, je suis devenu quelqu’un de respectable. » Ainsi débute ce recueil de conseils judicieux d’un cinéaste réputé pour ses films au goût douteux.
Pas sûr que vous ayez vu une de ses œuvres. Le film scatologique « Pink Flamingos », le délirant « Female trouble », le film odorant (et nauséabond) « Polyester », avec la drag-queen Divine, la chronique musicale « Hairspray », devenue un succès phénoménal à Broadway, « Cry-Baby », ou la revanche de Johnny Depp qui voulait casser son image de gentil beau gosse issue de « 21 Jump Street », « Serial Mom », avec Kathleen Turner en tueuse psychopathe. Autant de films devenus cultes pour avoir rendu le mauvais goût acceptable. John Waters est d’ailleurs un habitué du Festival de Cannes, dont il a été membre du Jury en 1995. La seule fois où Gilles Jacob l’a refusé en compétition, c’est parce qu’il trouvait son film trop sage.
John Waters est donc ce cinéaste, dandy underground, à la moustache tracée à l’eye-liner Maybelline Velvet Black. Il refuse l’idée qu’on vienne le visiter à l’hôpital en fin de vie – qui sait si l’infirmière saura tracer sa moustache avec précision ? – ou d’être exhibé dans un cercueil ouvert.

Engagé contre le politiquement correct

Ne croyez pas que John Waters soir un triste sire. Il s’amuse, beaucoup, de lui-même, et surtout s’il peut casser les codes. Il déclare dans le New York Times en 2002 : « ce sont enfin les grosses et les drag-queens qui vont décrocher les rôles. » Il est sans doute le seul réalisateur à avoir refusé Brad Pitt, pour « Cry-Baby ». Trop séduisant, pas assez excentrique. C’est aussi lui qui a érigé Divine en star.
Personnage attachant car sincère et fidèle à ses amis, à ses convictions et à Baltimore, John Waters consacre à chacun de ses films un chapitre, mais il évoque également d’autres aspects, comme la musique, ou Andy Warhol, qu’il admirait, …
Il émaille son récit d’anecdotes croustillantes mais aussi de conseils aux réalisateurs en herbe : comment présenter son pitch aux producteurs, le scénario, le casting et ses erreurs, la direction d’acteurs, la musique de films, le succès et le « retour au caniveau ». Avisées ou loufoques (mais jamais dénues de sens), les recommandations de John Waters disent beaucoup de sa carrière et de sa personnalité.
« L’échec peut-il être le bienvenu ? Bien sûr que oui. Vous reculerez de deux cases dans le jeu de l’oie auquel se résume le show-business, mais ça vous laissera le temps de souffler, d’accepter que vous n’êtes pas le génie que vous pensiez être. »
Lecture jubilatoire et fluide (seul le chapitre sur la musique comporte trop de références obscures si on vit de ce côté de l’Atlantique), « M. Je-sais-tout » se déguste sans modération.
Notez que l’actualité de John waters verra la parution de son premier roman « Sale menteuse », le 3 mai prochain chez Gaïa. Il a d’ores et déjà annoncé vouloir l’adapter en film.
Barbara Mazuin

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Fill out this field
Fill out this field
Veuillez saisir une adresse de messagerie valide.
You need to agree with the terms to proceed