Sapiens : Volume 1 : La naissance de l’humanité

Harari, Yuval Noah  & Vandermeule, David (scénario); Casanave, Daniel (dessin); Champion, Claire (couleurs); traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat
Bande dessinée
Paris : Albin Michel, 2020, 245 pages, 22 €

🙂 🙂 La bible de l'humanité

À lire de toute urgence

Il faudrait avoir vécu dans un bunker ces cinq dernières années pour ignorer l’existence du livre de cet historien israélien qui propose une revisite de toute l’histoire de l’humanité, à la lumière des dernières découvertes anthropologiques, historiques, mais aussi économiques et sociétales.
D’un abord facile, le pavé de plus de 500 pages se lit comme un roman ou, en tout cas, comme une formidable enquête, passionnante, érudite sans être à aucun moment casse-tête. Je considère personnellement ce livre comme une véritable Bible, un repère indispensable à tout qui s’intéresse à notre passé et aux circonstances qui ont fait que nous sommes, nous, Sapiens, l’espèce dominante sur la planète.
L’enthousiasme remarqué par la diffusion de ce livre (vendu à près de 13 millions d’exemplaires dans le monde) a, inévitablement, donné lieu à des suites à mon sens beaucoup plus dispensables (l’auteur livrant alors sa vision de l’avenir humain et nous donnant quelques leçons pour un développement optimal). Ces déclinaisons gagnent aujourd’hui le 9ème art avec une adaptation majoritairement fidèle au texte du premier ouvrage.

Des idées novatrices

Pour transposer, adapter, transformer la multitude d’informations diverses présente dans « Sapiens » en bande dessinée, il ne faudra pas moins de quatre volumes de 250 pages.
Le premier, qui paraît actuellement, se cantonnera aux origines de l’homme. Sapiens fait figure de véritable génocidaire puisque, pour s’affirmer, il a dû prendre le dessus sur plusieurs autres espèces humanoïdes (dont une, improbable mais pourtant avérée, dont la taille ne dépassait jamais 1m20 !), avant de, vraisemblablement, composer un mix génétique avec son cousin néandertalien, qu’il n’hésitera pas à annihiler. Harari insiste dans son œuvre sur la valeur de la fiction et de la construction de mythes en tant qu’outils fondateurs de la civilisation : lorsque la communauté de l’homme accepte de croire en un être créateur, une vision globale débouchant sur la détermination d’objectifs communs peut faire advenir une véritable culture.
Démontrant que le néolithique – ayant amené la sédentarisation, l’élevage, la domestication (esclavage) de l’animal et l’agriculture – est à la base de la création sociale – au prix d’une perte de liberté de mouvement et la nécessité d’accepter des contraintes de vie – Harari développe des propos porteurs de sens puisque résonnant encore à notre époque.
Cet aspect du livre original se retrouve dans cette adaptation : non content de nous mettre sous les yeux des concepts qui, s’ils peuvent paraître évidents, ont le mérite d’être pleinement exprimés, les auteurs se livrent à quelques bonds dans le temps, établissant des parallèles entre les données historiques et notre mode de vie actuel.

Une collaboration israéalo-franco-belge

« Il n’a fallu qu’une demi-heure pour convaincre Yuval d’accepter le projet d’adaptation », précise le belge David Vandermeulen qui signe la trame scénaristique, « le plus dur a été d’obtenir son assentiment sur les apparitions de son personnage dans les planches ». Dessinées par le français Daniel Casanave, les pages de ce premier volume peuvent peut-être sembler un peu « chargées », au-delà d’une adhésion nécessaire pour le type de graphisme. Mais l’intérêt du texte et la patte artistique de ce trio offrent à la lecture une certaine impatience. N’oublions pas l’humour qui parsème les différents chapitres et qui lie l’ensemble en lui donnant un cachet moins scolaire que le style de Harari, l’israélien.

Un pari largement relevé

Même si, de façon toute personnelle, je considère que le livre original de Harari surpasse en intérêt et en puissance de réflexion l’adaptation en BD, « Sapiens » tient toutes ses promesses. Il prend le parti de l’amusement et provoquera de francs éclats de rire là où le texte de l’historien insistait davantage sur la légèreté de ton – sans jamais se départir du sérieux et de la rigueur scientifique.
Si le but avéré de l’opération est de faire découvrir le livre fondateur à un public peut-être plus rétif à la lecture de longue haleine, il constitue également un formidable hommage et une reconnaissance affirmée pour un historien, qui aura su, en un seul livre, imposer sa vision, sa lucidité et son objectivité.
Eric Albert

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