Sauvage

Bradbury, Jamey ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Mailhos; lu par Karl-Line Heller
Livre audio
Paris : Lizzie, 2019, 1 disque compact audio (11 h 17 min), 22.60 €

🙂 🙂 Etat de lame

Famille décomposée

Tracey Petrikoff, 17 ans, vit en Alaska avec son père et son frère cadet Scott. Musher de renom, Bill Petrikoff s’est déjà illustré dans la prestigieuse course de chiens de traîneaux, l’Iditarod. Depuis le décès de sa femme, c’est un homme éploré, fermé.
Tracey ne vit que pour la forêt, la nature, et elle est devenue experte dans la traque aux petits gibiers, dont la famille se délecte et dont les peaux sont régulièrement vendues.
Tracey possède également un don : elle entretient de fréquentes discussions avec sa mère décédée et peut ressentir un aperçu de la vie des créatures dont elle boit le sang.

Eclosion de sentiments

Sa mère lui a bien recommandé de ne jamais blesser un être humain mais, un jour, pour se défendre, elle n’a d’autre choix que de poignarder Tom Hatch, un étrange personnage menaçant rencontré en forêt. Blessé, l’individu est emmené au dispensaire local tandis que Tracey rapporte en secret dans sa chambre un sac rempli d’argent.
Cet argent tombé du ciel va lui servir pour payer l’inscription à l’Iditarod Junior, même si moralement parlant le geste est répréhensible. Mais les temps sont durs…
D’autant plus durs que le père de Tracey doit se résoudre à accueillir un locataire pour le petit cabanon, histoire d’arrondir les fins de mois.
Le jeune homme qui se présente, Jesse, n’a pas de quoi payer mais se révèle courageux et débrouillard dans bien des domaines, du bricolage à la mécanique en passant par l’entretien des chiens de traîneaux.
Une attirance adolescente naît entre Jesse et Tracey, même si cette dernière alimente certains doutes sur la véracité des aventures narrées par son protégé. Non seulement il prétend avoir vécu des tas d’expériences malgré son jeune âge mais celles-ci ressemblent furieusement aux récits du célèbre trappeur Kleinhaus dont Tracey possède le livre…et dont un autre exemplaire tapissait le fond du sac d’argent.
Poussant plus avant ses investigations, elle finit par découvrir que le locataire du cabanon est en fait…une demoiselle, ce qui n’empêche pas les deux jeunes de poursuivre leur relation.

Sentiment d’urgence

Le jour de l’Iditarod Junior, galvanisée par l’équilibre retrouvé dans sa vie et content pour son père qui a accueilli dans sa vie la belle Helen, Tracey déchante subitement car dans le public de l’épreuve, elle aperçoit Tom Hatch…Elle est persuadée qu’il est revenu pour se venger et récupérer son sac d’argent. Tracey n’a pas d’autre choix que d’abandonner la course pour protéger les siens.
Se faisant passer pour malade, elle laisse le soin à son père de concourir pour l’Iditarod classique.
Mais un drame va se jouer à la ferme, un événement totalement imprévu et teinté de rouge qui va sceller le destin de Tracey, de son père et de Jesse, dont les secrets s’éventent peu à peu.

Question de support

Le roman est magistral, passée une mise en contexte parfois pesante, la consistance des personnages, leur authenticité, répondant à la description d’une nature âpre et froide et des conditions de vie dans cet Alaska sauvage. L’auteur, dont c’est le premier roman, nous initie au monde du mushing de façon passionnée mais sans trop s’appesantir. L’équilibre entre l’évolution narrative, l’étude psychologique des protagonistes et la peinture du cadre est optimal. L’ensemble offre une véritable expérience de lecture, prégnante et hautement satisfaisante…n’étaient ces trop nombreux « il a dit », « elle a dit », « j’ai dit » qui fleurissent à la fin des phrases de dialogues.
Puisque j’ai écouté ce livre, grâce aux éditions Lizzie, je me dois de livrer mon avis sur la performance vocale de Karl-Line Heller. Souvenez-vous, j’avais particulièrement apprécié celle de Thibault de Montalembert sur « Mon chien stupide ». Le constat est moins positif pour celui-ci, car la voix de la narratrice, pour claire et articulée, apparaît un peu rocailleuse, soufflée sur certains mots, grailleuse à certains moments. En phase avec le début du roman qui se veut volontiers intimiste, cette voix, sur le long terme, devient fatigante et porte ombrage à l’expression factuelle.
Néanmoins, le voyage vaut la peine, il serait dommage de passer à côté de ce récit édifiant et de l’atmosphère glacée qui s’en dégage. Et si vous préférez la version imprimée, promis, on ne vous en voudra pas, Jamey Bradbury est un auteur qui promet.
Eric Albert

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