The Cry

Fitzgerald, Helen; traduit de l’anglais par Alexandre Civico
Policier & Thriller
Paris : Les Arènes, 2020, 388 pages, 18 € (Equinox)

🙂 🙂 Pour un enfantillage

Si vous êtes parent, vous avez sûrement déjà vécu cette situation : dans un endroit public, votre bébé se met à pleurer, à brailler, à hurler, sans que vous ne puissiez rien y faire. Pas de dent qui pousse, pas de lange à changer, pas de biberon en retard…
Ça vous énerve, bien sûr, et votre entourage aussi.
Si la scène se passe dans un avion, le désagrément peut être poussé au maximum.
C’est ce qui arrive au bébé de Joanna et Allister, un couple recomposé depuis peu, dont l’avenir, sentimental comme professionnel, semble radieux.
La mère, à bout de nerfs, parvient néanmoins à calmer sa progéniture. Son bébé souffre d’une otite et une petite dose de son médicament a l’effet escompté. Le calme revient.
Ce n’est qu’une fois sortis de l’aéroport, dans leur voiture de location, que les parents s’inquiètent du mutisme prolongé de leur enfant, emmailloté dans son siège…
Ils découvrent avec horreur que le bébé est passé de vie à trépas
Pour Joanna, pas de doute, elle s’est trompée de médicament ! Elle a administré à son enfant une dose – apparemment fatale – d’un breuvage qu’elle a confondu avec son antibiotique. La faute à la sécurité de l’aéroport : elle a dû transvaser dans des petites bouteilles les produits dont elle pensait avoir besoin dans l’avion. Elle a dû se tromper d’étiquette…

Fâcheuse méprise.

Le père, Allister, cherche tous les prétextes pour ne pas que leur couple soit considéré comme des personnes irresponsables, peu regardants, voire dangereux. Peut-être passeraient-ils pour des criminels ? Et verraient alors leur vie s’écrouler…Ce qui serait inadmissible.
Alors, alors…Alors leur enfant aurait été kidnappé, voilà. Ce sera la version officielle qu’ils livreront aux autorités et à la presse, déclenchant toute une série d’événements, allant du placardage intensif d’affiches à la levée de fonds pour soutenir les parents éplorés.
Jusqu’à ce que certaines personnes, sur internet, soulèvent quelques doutes sur les faits que les parents ont relaté…Pourquoi le père avait-il de la terre sous les ongles lors de son interview télévisée ? Pourquoi la mère, récemment accouchée, a-t-elle eu besoin de s’arrêter à une station-service – le lieu où son enfant a été soi-disant enlevé – pour aller acheter en urgence…des tampons hygiéniques ?
Une blogueuse semble déterminée à faire voler en éclats la manipulation. Qui est-elle ? Comment a-t-elle accès à des informations sensibles ?
Alors que la mère dépérit sous le coup d’une culpabilité omniprésente, que le père essaie de poursuivre une vie plus ou moins normale, l’ex-femme de ce dernier, qui a la garde de leur fille, Chloé, voit dans cette situation l’occasion de retirer une fois pour toutes le droit de visite de son ex-mari.
Les relations se tendent, la vérité risque d’éclater à la moindre erreur…Comme de se rendre, de nuit, sous l’arbre près duquel le petit corps du bébé a été enterré.
Du moins si on en croit les déclarations du père qui, peu à peu, apparaît sous un jour encore plus sombre…

Adapté par la BBC

Helen Fitzgerald tisse un suspens magistral sur la base d’un fait divers banalement commun. Elle prend visiblement plaisir à torturer ses personnages et dépeint les effets de la culpabilité de manière douloureuse, prégnante.
Le récit, oscillant entre les différents personnages clés (les parents du bébé, la première épouse du mari, leur fille, les minutes du procès – car oui, il y a un procès) offre une progression linéaire et un découpage qui rend évident l’aspect cinématographique (ou du moins télévisuel) : le roman a été récemment adapté par la BBC. A contrario, la brièveté des descriptions et le manque de densité de certaines scènes provoque un certain malaise, comme un goût de trop peu.
Un écueil cependant vite oublié tant la lecture offerte est rapide, haletante et propice aux ressentis de sentiments contradictoires. Le final, insoupçonnable de facilité et, de ce fait, extrêmement convaincant, ponctue ce roman de façon magistrale. « On ne connaît jamais vraiment les personnes avec lesquelles on partage la vie » illustre, une fois de plus, la morale intrinsèque de cette histoire.
Constat certainement bateau, exploité à l’envi dans plein de romans, mais ici bien habilement amené, voire assené.
Une lecture nerveuse, complice des décisions perverses des parents dont on suit la descente aux enfers la gorge serrée.
Eric Albert

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