Rivages volume 2 : La fin des étiages

Guillemin, Gauthier
Fantasy
Paris : Albin Michel, 2020, 289 pages, 18.90 € (Imaginaire)

🙂 🙂 Une suite inattendue

On l’appelle le Voyageur. Il a quitté le village de son épouse, Sylve, pour honorer une dette ancienne, pour retrouver les mers et les océans depuis trop longtemps perdus. Et il a disparu. A-t-il été capturé ou tué par les Fomoires, s’est-il égaré, continue-t-il son voyage vers les rivages ? Au village, nul ne le sait. Neuf mois après le départ de l’homme qu’elle aime, trop inquiète pour rester sans rien faire, Sylve décide de partir à sa recherche, d’affronter une forêt où les merveilles se disputent aux dangers. (présentation de l’éditeur)

Suite de Rivages

Rivages, publié en octobre 2019, constituait assurément une bonne surprise pour les amateurs de fantasy. Ils y découvraient une nouvelle voix francophone, sensible et subtile, privilégiant la réflexion à l’action. En résultait un roman assez étrange et déroutant qui s’ouvrait comme un récit post-apocalyptique dans un univers de fer et d’acier avant de dévier très rapidement vers une méditation contemplative, un plaidoyer pour la Nature, où l’action était pour ainsi dire bannie.

Spécialiste du pas de côté

En tant que suite directe de cette première livraison, le lecteur pouvait s’attendre à reprendre le récit là où l’avait laissé Rivages. Le héros, arrivé à la fin de son périple, y était resté dans une situation pour le moins délicate. Pourtant, et cela semble devenu une habitude chez l’auteur, La fin des étiages surprend à nouveau le lecteur et ne le mène pas là où il croyait aller. Du voyageur, il ne sera plus question durant la grosse première partie du roman. À la place, l’auteur revient au village de Sylve et raconte comment celle-ci va monter une expédition pour retrouver son amour disparu. Ce périple, loin d’être une simple mission de sauvetage sera, pour le peuple Ondin, une marche vers leur destin.

Un rythme inégal

Si cette première partie ne manque pas de charme et constitue pour l’auteur une bonne occasion d’approfondir la description de son univers (notamment en explorant l’histoire et les mentalités des autres peuples, bien plus intéressants et nuancés qu’il n’y paraissait jusqu’alors), le lecteur peut en droit ressentir l’impression de lire une longue digression qui retarde la reprise du véritable cours du récit. Une impression qui ne demeure pas réellement gênante. La fin des étiages, loin des romans fleuves (et parfois interminables) de la fantasy, reste dense et l’action se resserre dans une seconde moitié tout à fait réussie où l’ensemble des pistes tracées précédemment se rejoignent et prennent sens. Une belle réussitequi prouve les qualités de conteur de Gauthier Guillemin.

Une suite inattendue

En fantasy, l’ombre de l’influence de Tolkien est souvent écrasante. Référence quasi inévitable, même en creux, usée jusqu’à la corde par des générations d’auteurs, elle imprègne également ce cycle des Rivages. Les Ondins, ce peuple sage et ancestral s’éteignant dans un univers qu’ils ne croient plus fait pour eux, n’est pas sans rappeler les Elfes de la Terre du Milieu. D’autant plus que leur quête est similaire puisqu’elle les mène sur les rives du monde à la recherche de leurs origines mais aussi d’une solution pour leur avenir.
Pour autant, loin du décalque, Gauthier Guillemin opte pour le dialogue avec l’œuvre de Tolkien. S’il aborde les mêmes thématiques (la puissance des mythes, la place de l’imaginaire, l’écologie), il propose une lecture tout à fait éloignée, presque opposée à celle, pessimiste et décliniste, de l’auteur anglais. Cette réinterprétation est un véritable virage par rapport à l’atmosphère nostalgique et introspective qui imprégnait le premier volume de la série. Ce changement de cap, inattendu mais bienvenu, offre ainsi à Rivages une suite originale qui ne manquera pas de surprendre le lecteur, en bien ou en mal. Pour nous, c’est une véritable réussite !
Nicolas Stetenfeld

1 Commentaire. Leave new

  • Gauthier Guillemin
    9 septembre 2020 9 h 49 min

    Merci pour cette critique qui met notamment en avant mon rapport à l’œuvre de Tolkien. En effet, j’en suis un inconditionnel, même si j’en rejette les accents crépusculaires. Bonnes lectures à suivre.

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