Dévotion

Koontz, Dean Ray ; traduit de l’américain par Antoine Guillemain
Fantastique
Paris : L’archipel, 2021, 449 pages, 22 €

🙂 Bis repetita

Dean Koontz, grand auteur devant l’éternel depuis plus de 40 ans (il affiche un bon 76 ans au compteur) poursuit une production littéraire étonnante, avec une régularité pluri-annuelle. Du moins aux USA car depuis la disparition de la collection Terreur (Chez Pocket) et la perte de vitesse des ventes en grand format de ses titres proposés entre autres par Albin Michel et Jean-Claude Lattès, l’auteur a subi un muselage en langue française.
Les éditions de l’Archipel ont décidé de remettre l’auteur à l’honneur en publiant les livres de la série Jane Hawk ou en republiant des titres plus anciens. Ce fut le cas – controversé – des « Yeux des ténèbres », un titre mineur publié dans les années 90 sous un de ses nombreux pseudonymes (aux USA) qui traitait – entre autres – de la présence d’un virus mortel et dont certains détails ont été (commercialement) modifiés pour coller davantage à la situation de la pandémie actuelle. Par exemple, le virus, provenant originellement de la Russie, a migré dans la nouvelle version vers la Chine (Wuhan pour être précis). De là à prétendre à une œuvre prédictive, …Soit.
Dean Koontz a toujours été capable du pire comme du meilleur. Il reste malgré tout un auteur majeur dans le domaine des littératures de l’imaginaire, brillant et efficace autant dans la science-fiction que dans le thriller ou l’épouvante. Il est un faiseur aux méthodes éprouvées et aux thèmes renouvelables à souhait. Nombre de ses titres pourrait se résumer par une bataille entre le Bien et le Mal et une course-poursuite effrénée. « Dévotion » ne fait pas exception à la règle.

Un chien et son maître

Parmi les thèmes chers à Dean Koontz, il y a sans conteste son amour pour les chiens. Les Golden Retriever pour être précis. Il apprécie tellement cette race de chiens qu’il a consacré plusieurs volumes mettant en scène Trixie, le chien de sa famille (au travers d’une biographie autorisée et d’un livre pour enfants).
Au cœur de ce « Dévotion » il y a donc Kipp, un Golden retriever doué d’une intelligence hors du commun. Il fait partie du Mysterium, une organisation secrète. Sur le « circuit », il communique télépathiquement avec ses semblables, placés dans des familles, au hasard des États. Lorsque sa maîtresse décède, désemparé, il suit la piste d’un jeune garçon autiste, Woody, guidé par une étrange connexion neuronale. Woody n’a jamais parlé depuis sa naissance, ce qui ne l’a pas empêché de développer une intelligence fine et de devenir champion dans la manipulation des nouvelles technologies. Il vit seul avec sa mère, depuis que son père a disparu suite à un sombre imbroglio professionnel. Le jeune garçon a mené son enquête sur le dark web et a commencé à récolter des informations qui tendent à prouver que son père a été victime d’un assassinat commandité par ses patrons. Malheureusement, il a laissé des traces dans les mémoires des PC visités et des tueurs sans pitié se mettent à sa recherche.
En d’autres lieux, Lee Shacket, cadre d’un laboratoire d’expérimentation, prend la fuite en incendiant son lieu de travail. Il a été exposé à un agent pathogène qui commence à induire en lui des modifications biologiques à l’évolution imprécise mais qui le dote d’un instinct meurtrier insatiable. Il désire s’exiler loin, se faire oublier, mais il entend avant tout convaincre Megan Brookman, son amour d’enfance, de l’accompagner. Megan n’est autre que la mère de Woody…Et Lee Shackett, éconduit, finit par considérer ce gosse comme un obstacle à faire disparaître coûte que coûte…
On comprend aisément le cocktail explosif en puissance sur base de ces quelques ingrédients. Et l’ensemble fonctionne plutôt bien, accroche, interpelle.
Mais, car il y a toujours un « mais », n’est-ce pas ?

De l’art de repasser les plats

Les lecteurs de Koontz ne peuvent pas manquer la ressemblance entre ce roman et « Chasse à mort », un titre plus ancien de trente ans où la même recette présidait. Titre que l’éditeur a d’ailleurs réédité dans la foulée (au format poche). Les plus fidèles y trouveront aussi une idée récupérée du livre « Feux d’ombre », signé Leigh Nichols (un des pseudonymes de Koontz) dans lequel un homme était lui aussi victime de métamorphoses physiques immondes.
La fuite du laborantin suite à la diffusion accidentelle d’un virus fait évidemment penser au début du « Fléau » (version longue) de son copain King.
Peut-on avancer l’hypothèse que Koontz est arrivé à une certaine limite dans sa capacité à se renouveler ?
Un autre écueil tient à l’absurdité de quelques théories exploitées : le fait qu’un jeune enfant autiste et mutique depuis sa naissance ait pu développer une intelligence, une capacité d’esprit critique et une connaissance des nouvelles technologies par lui-même, au point qu’il soit capable d’écrire un livre sur la suspicion du meurtre de son père (à 11 ans !) apparaît complètement abscons, sans compter le fait qu’il se mette subitement à parler, suite à sa rencontre avec Kipp. Et que dire de cette capacité donnée aux chiens de pouvoir communiquer par télépathie non seulement entre eux mais avec les humains ? Koontz va même jusqu’à envisager la possibilité d’une évolution canine les dotant d’un système phonatoire propre à induire la parole…J’ai beau adorer les chiens, je ne peux adhérer à cette idée…
« Dévotion » pâtit donc d’une certaine saveur de naïveté, d’incongruité qui nuit au suspense par ailleurs intelligemment construit.
Après les volumes de la série Jane Hawk (qui délaie sur plusieurs milliers de pages un scénario répétitif), cette nouvelle parution ne permettra pas aux amateurs de la première heure de renouer totalement avec Koontz. Mais on ne demande qu’à réitérer l’expérience.
Éric Albert

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