Macbeth

Nesbo, Jo; traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier
Policier & Thriller
Gallimard, 2018, 617 pages, 21 €

🙂 🙂 Trahisons à la chaîne

A priori, Macbeth, le responsable de la Garde, n’a que peu d’ambition. Il n’a pas à rougir du chemin parcouru depuis son enfance dans divers orphelinats du pays : de simple flic, le voilà à présent responsable d’une des plus prestigieuses unités de la police de la ville. Il aime ce boulot, la camaraderie avec ses hommes et les moments d’action pure suffisent à son épanouissement.

L’équilibre social de la ville dans laquelle il exerce semble reposer sur une dualité de bon aloi : deux casinos, deux gangs de trafiquants de drogue, un maire et un chef de la police qui régentent. Àla tête d’un des deux casinos, Lady, la maîtresse de Macbeth, se verrait quant à elle bien calife à la place du calife. Pourquoi la ville a-t-elle besoin de deux casinos ? Et si Macbeth est capable de diriger une unité de la police, pourquoi ne serait-il pas capable de diriger toutes les unités ? Et s’il devenait chef de la police, qu’est-ce qui l’empêcherait de décrocher le fauteuil de maire? Véritable stratège politique, manipulatrice hors pair, Lady, à l’inverse de son amant, est capable de cruauté et elle « voit l’ensemble du tableau ». Elle sait nouer des alliances et surtout, les défaire selon les circonstances, car à quoi sert « de se torturer en se demandant si on fait bien ce qu’il faut ? »

Écrit en miroir au drame shakespearien du même titre, le Macbeth de Jo Nesbo puise abondamment dans le texte anglais. L’auteur va jusqu’à conserver les noms des personnages principaux, en les plongeant dans un cadre plus moderne. Les différentes étapes de l’intrigue se voient également respectées : « l’insatisfaction insidieuse qui venait toujours contaminer le bonheur le plus parfait »,conduit aux sanglantes trahisons, qui elles-mêmes accroissent le pouvoir de leurs auteurs, mais les conduit sans détour en des abysses où les remords le disputent à la folie. Tout y est, et les afficionados de Shakespeare prendront plaisir à déceler les parallèles, les emprunts au texte et les quelques libertés prises par Nesbo. Les autres suivront avec un œil neuf une intrigue suffocante tant les trahisons et leurs sanglantes mises en œuvre révèlent la part la plus sombre de l’humanité. Les passions humaines ne varient pas avec les siècles et, en adaptant -non sans quelques longueurs et dans un style volontairement affecté- un texte datant de plus de 400 ans, Nesbo fait finalement œuvre de moraliste de son époque.

Nicolas Fanuel

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