Pour tout bagage

Pécherot, Patrick
Policier & Thriller
Paris : Gallimard, 2022; 167 pages, 16 € (La Noire)

🙂 🙂 Un crime impuni

Paris, 1974. Après l’enlèvement d’un banquier espagnol par un groupe d’anarchistes, cinq lycéens -quatre gars, une fille- décident de jouer aux durs comme leurs idoles. Leur opération, mal orchestrée, tourne court, mais ils abattent par erreur un certain Edmond Vuillat, un passant qui sortait de sa voiture au mauvais moment. Un crime resté impuni, et qui marqua de manière indélébile l’existence des 5 amis.
Quarante-cinq ans plus tard, l’histoire refait surface. Des courriers anonymes retraçant leur équipée sont envoyés à l’un d’entre eux. C’est pourtant à Arthur, un autre des 5, qu’échoit la mission de partir à la rencontre des membres du groupe pour tenter d’éclaircir le mystère.  Selon le cas, ses pas le mènent au cimetière, à une rencontre qui tombe à plat – plus rien ne subsiste de l’ancienne amitié – ou encore à des échanges plus chaleureux, parsemés d’évocations d’un passé idéalisé et parfois douloureux.

L’ombre de Claude Sautet

Avec « Pour tout bagage », Patrick Pécherot, auteur d’une quinzaine de romans, dont la majorité publiée à la Série noire (« Tranchecaille », « Brouillard sur la butte »…), nous offre une plongée quasi immersive dans les années ’70. Si son intrigue reste, tout au long de ses 160 pages, attachante et que l’envie de savoir qui et pourquoi ne nous quitte pas, c’est bien de cette immersion que le texte tire sa force. Adressé à Edmond Vuillat, un gars qu’il n’a pas connu mais dont il sait assez pour rester crucifié dans sa chair par la mort stupide, le roman semble écrit par Paul. Celui-ci partage son propos entre des retours sur les années de lycée, un décryptage de kodachromes retrouvés dans une boîte, et le récit de sa quête. Empreint de culpabilité et loin d’idéaliser l’époque, Paul fait remonter les noms des chanteurs, auteurs, acteurs, cinéastes et politiques, puise au vocabulaire de la rue et raconte les belles illusions d’une bande de jeunes qui, devenus adultes, les ont parfois troquées pour le confort du corps et de l’esprit. Sans juger ni ces derniers ni ceux chez qui elles sont restées vivaces et avec qui la discussion n’est pas plus aisée, Paul livre un portrait réaliste en plein, étalé sur quasi un demi-siècle, d’une bande d’amis dont les chemins se sont séparés après un drame inassumé. Plus amer que doux, un roman sur lequel semble planer l’ombre de Claude Sautet. Conseillé pour sortir des polars calibrés !
Nicolas Fanuel

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