Even

Zidrou (scénario) & Alexeï (dessin)
Bande dessinée
Paris : Delcourt, 2021, 79 pages, 18.95 €

🙂 Dictature du plaisir

Dans ce monde-là, la ségrégation ne s’effectue plus suivant votre religion, votre couleur de peau, votre sexe ou vos opinions politiques. Non, dans ce monde-là, ce qui vous mettra d’un côté ou de l’autre de la barrière, c’est le fait que vous soyez beau (swiit) ou laid (ug). Dans ce monde-là aussi, le plaisir sexuel est devenu la valeur ultime. Des publicités dans les lieux publics incitent à jouir à tout prix et, si vous n’y arrivez pas, il vous sera vivement conseillé de consulter. L’Erospital du docteur Sidibe peut vous remettre sur le droit chemin, à coup de pratiques virtuelles en tous genres, des jeux immersifs dans lesquels vous et la personne de votre choix (votre épouse décédée par exemple) pourrez vivre tous vos fantasmes.  C’est justement au cœur de cet « hôpital » qu’une journaliste, Ann Seymour, entame une enquête sur Jahida Belinsky, une doctoresse qui s’y est suicidée peu de temps auparavant. Son enquête va croiser la route de Fred Belinsky, le mari de Jahida, effondré et en thérapie chez le docteur Sidibe.

Message politique salutaire

Avec «Even », l’infatigable Zidrou nous livre le portrait d’une société qui pourrait être la nôtre, une utopie négative à la « 1984 », entre dictature du plaisir et régime d’apartheid basé sur l’aspect physique. Sous le crayon d’un réalisme parfois effrayant d’Alexei Kispredilov, l’image fait froid dans le dos tant la différence entre notre société et celle-là apparaît bien mince. Au-delà du message politique salutaire, l’intrigue se révèle quant à elle plus confuse. On y suit de nombreux personnages, chacun embarqué dans sa propre quête et, même si l’on devine qu’un carrefour va bien finir par les réunir, la transition parfois abrupte entre certains épisodes ralentit la compréhension et entame l’attrait de l’ensemble. L’album nous a également semblé alourdi par l’omniprésence de la sexualité qui, si elle sert effectivement le propos global, se retrouve parfois mise en scène à l’excès dans ses aspects les plus sordides, sans pour autant servir véritablement le scénario.
Nicolas Fanuel

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