Le Ferry

Strandberg, Mats ; traduit du suédois par Hélène Hervieu
Fantastique
Paris : Bragelonne, 2019. – 572 pages. – 7,90 €

🙂 Ferry tale

Chaque pays se découvre son Stephen King. Avec plus ou moins de réussite.
Le phénomène suédois s’appelle Mats Strandberg. Déjà co-auteur d’une trilogie pour grands ados (« Le cercle » avec Sara Elfgren), le jeune écrivain possède une imagination inventive et originale. Il a une solide expérience dans l’art de façonner une histoire et dans le découpage.
En effet, on retrouve ces qualités dans son roman « Le Ferry » : l’originalité parce que l’intrigue se déroule en 23 heures de temps, sur un bateau civil assurant la liaison entre la Suède et la Finlande – Le Baltic Charisma apparaît d’ailleurs très vite comme le personnage principal du roman- ; l’inventivité car l’auteur a imaginé des créatures inédites, entre zombie et vampire, qu’il a su rendre menaçantes, imprévisibles et perverses à souhait ; le découpage, enfin, parce que le texte, scindé en de nombreux petits chapitres portant le patronyme du personnage qui y est exploité, invite à une lecture multi-focale qui permet de rendre compte de l’effet fourmilière qui règne sur le bateau et ses plus de 1200 voyageurs.
Cela suffit-il pour devenir un bon roman ? Oui et non. Oui parce que la lecture du roman se fait rapidement avide – pour autant qu’on puisse s’accrocher aux destinées des voyageurs, certains, manquant de charisme ou d’épaisseur ne dépassant jamais le statut de quidam quelconque. Oui parce que les scènes de vampirisation sont particulièrement malsaines (mettant en première ligne des enfants manipulateurs ou des individus psychologiquement atteints qui ne cherchent qu’à assouvir leurs fantasmes et addictions). Non, car certaines longueurs clairement inutiles incitent à survoler le texte. Non, car le final déçoit par sa rapidité et sa facilité tandis que les personnages se mêlent en un maelstrom de plus en plus anonyme qui empêche toute empathie.
A cette époque où le coronavirus gagne le continent européen, on ne peut pas ne pas faire de rapprochement entre les événements du roman et la pandémie qui frappe à nos frontières. Insidieuse, frappant quiconque sans distinction, inarrêtable peut-être, la malédiction étend son étendard et recouvre de son ombre létale l’embarcation. Et si le bateau accoste,…
Mats Strandberg n’est pas Stephen King ; au mieux il a emprunté à son goût pour les endroits isolés, les microcosmes (le bateau en perdition en pleine mer peut faire penser à l’hôtel Overlook et ses couloirs hantés) et les créatures aux dents longues (Salem n’est pas très loin). L’auteur connaît la recette mais le mélange des ingrédients manque un peu de levure et de liant. « Le Ferry » se lira sans réel déplaisir mais sans enthousiasme soutenu non plus.
Eric Albert

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Fill out this field
Fill out this field
Veuillez saisir une adresse de messagerie valide.
You need to agree with the terms to proceed