Mictlan

Rutès, Sébastien
Policier & Thriller
Paris : Gallimard, 2020, 160 pages, 17 € (Collection La Noire)

🙂 🙂 🙂 Rouler à tombeau ouvert

Un pays où les cadavres débordent de toutes les morgues, boucheries et hôpitaux. Il est en effet interdit d’incinérer un corps mort par violence – et quelle mort n’est pas violente en ce pays?
A l’approche des élections, le Gouverneur est candidat à sa succession. Pour cela, il doit cacher les quelques squelettes – 157! -que compte son placard. Règlements de compte, disparition de témoin, … Il a donc affrété un semi-remorque frigorifique, conduit tour à tour par Gros et Vieux.
12 heures de conduite chacun, tandis que l’autre tente de trouver le repos dans la cabine au-dessus. Les mauvais rêves – car Gros et Vieux ont aussi leur passé à traîner avec eux –  sont interrompus uniquement par le changement de conducteur, ou l’arrêt à une station-service. Là, pas question de descendre seul : il faut ravitailler en boissons et nourriture, faire le plein, et surtout ne jamais, jamais laisser le camion sans surveillance. Une dépendance mutuelle insupportable.

Ecriture audacieuse et efficace

Sebastien Rutés a fait un choix stylistique audacieux, cohérent. Les phrases s’allongent, défiant sans cesse le point, faisant fi de terminer par un point d’interrogation, usant de la virgule sans complexe, tandis que les pensées folles filent dans l’esprit du conducteur, écrasé par la fatigue et le stress. Les deux premières phrases nous mènent déjà 40 pages plus loin, c’est dire tout ce qui passe par la tête de nos protagonistes, qui subissent leur destin. Pas question de supprimer l’autre conducteur, lorsque la méfiance s’installe, car cela voudrait dire rouler 24 heures sur 24. Intenable. Que faire, alors ?
A la station-service, l’écrit se normalise, malgré la tension que ces arrêts provoquent. Jusqu’à une tentative de vol du camion

Roman noir inspiré de faits réels

Gros et Vieux, et tous les morts qui leur collent aux basques, physiquement ou non, atteindront-ils le Mictlàn, le lieu légendaire de la mythologie aztèque, dernier séjour des morts, qu’ils atteignent après tant d’épreuves ?
Sébastien Rutés est un spécialiste de la littérature latino-américaine, en particulier le roman noir. « Mictlàn » n’offre aucune trêve au lecteur qui se laisse envelopper par le caractère poisseux de l’intrigue. Il veut en sortir, mais se laisse happer par l’écriture qui ne laisse aucun répit, réservant de très beaux passages, d’une poésie aux antipodes.
 « (…) dans le chaos du monde, la cabine a cédé sous les assauts du désert, mais la remorque résiste, sacro-saint sanctuaire à tombeau ouvert, hermétique mausolée, on a envie d’aller s’y allonger pour dormir enfin, baisser la garde, s’abandonner en toute confiance car les cadavres ne font la peau à personne (…) »
L’intrigue est par ailleurs inspirée de faits réels.
Barbara Mazuin

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