Saint Elme : Volume 1 : La vache brûlée

Lehman, Serge (scénario) ; Peeters, Frederik (dessin)
Bande dessinée
Paris : Delcourt, 2021, 79 pages, 16,95 €

🙂 🙂 🙂 "À Saint-Elme, c'est spécial"

Vue du bateau qui vous y conduira, l’île de Saint-Elme paraîtra à la fois montagneuse, sauvage, désertique, urbanisée et industrielle. Un portrait d’apparence contradictoire, pour ce rocher qu’on dirait perdu, au pied duquel une ville se serait trop anarchiquement développée, poussée par une richesse subite.
Réputée pour son eau minérale, l’île est sous la coupe de Roland Sax, homme d’affaires autoritaire, plein aux as et qui mène sa famille et les édiles officiels à la baguette. Mais tout ça, ce bazar politico-familialo-affairiste, Franck Sangaré, détective, n’en sait rien lorsqu’il débarque. Tout ce qu’il voit, c’est la surpopulation de grenouilles mutantes qui s’ébat sans vergogne. Lui, il est là pour « une enquête dans l’intérêt des familles » : retrouver Arno Cavaliéri, « un petit bourge de la vallée, 24 ans, disparu depuis 3 mois ». L’affaire s’annonce à priori simple. Mais comme lui dira madame Dombre, son assistante, « à Saint-Elme, c’est spécial ».

Un monde à part

Premier tome d’une série qui devrait en compter quatre, « La vache brûlée » intrigue de prime abord. Les couleurs vives, parfois presque fluorescentes, rehaussent un trait réaliste (on pense à Matz, mais aussi à Tronchet) qui capte très vite l’attention. Les nombreuses scènes d’action, particulièrement réussies, alternent avec des moments plus reposants, plus courts mais tout aussi évocateurs (la scène de l’arrivée de Sangaré sur l’île) ; un humour ironique affleure, à chaque fois à point nommé. L’entreprise de séduction de l’œuvre se poursuit par l’exploration de son cadre, Saint-Elme, cette ville surpeuplée, grandie trop vite et jouxtant une nature sauvage, montagneuse, où traditions incongrues (« le jugement de la vache ») et faune improbable (les grenouilles mutantes) accroissent l’impression d’un monde à part. Habité par une faune -humaine cette fois- variée et nombreuse, le scénario progresse en densité : on y suit les démêlées d’une bande de kidnappeurs d’enfants, celles d’un potentat local que sa propre progéniture rêve de dégommer, et bien entendu l’enquête de Sangaré, personnage séduisant par son humeur déterminée, carrée, et d’une morosité extravagante, qui devra notamment affronter les trafiquants de drogue locaux.
Ce premier volume très réussi, et aussi accrocheur à la deuxième lecture qu’à la première, se clôt par un modèle de « cliffhanger » du meilleur cru, qui devrait vous laisser stupéfaits. Une très belle réussite donc, dont on espère la suite rapidos, par le duo Serge Lehman – Frederik Peeters, auteurs de « L’homme gribouillé ».
Nicolas Fanuel

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