Sang trouble

Galbraith, Robert ; traduit de l’anglais par Florianne Vidal
Policier & Thriller
Paris : Grasset, 2022, 928 pages, 26 €

🙂 🙂 🙂 🙂 Cold case labyrinthique

Sang Trouble de Robert Galbraith, nom de plume de J. K. Rowling – la maman d’Harry Potter, est une claque (de poids, 920 pages) ! Pourtant rien ne me destinait à me frotter à sa prose. Je n’ai jamais remis en question la qualité de sa série Harry Potter, largement plébiscitée à travers le monde, mais le thème ne m’a jamais branché et je dois avoir visionné les deux premiers longs métrages sans déplaisir. Le pitch ? Un cold case vieux de 40 ans traité comme un whodunit aux accents TRES british et nimbé de la couche de mystère adéquate : une inconnue approche le cabinet d’enquêteurs de Cormoran Strike parce qu’elle aimerait élucider la disparition de sa mère survenue en 1974. Disparition qui n’a laissé aucune trace, qui a résisté aux enquêtes diligentées à l’époque. Rien dans le dossier ne permet d’en construire le scénario. Assassinat ? Disparition volontaire pour se soustraire à une existence insatisfaisante ? Suicide ? Même les partis-pris d’un enquêteur au comportement obsessionnel se désagrègent lamentablement. Anna, la fille de la disparue, Margaret Bamborough, souffre psychologiquement de ces cruelles incertitudes. En accord avec sa compagne, elle donne 12 mois à l’équipe de Strike pour apporter, si cela était encore possible, une réponse, en tout ou partie.
L’auteure, Robert (sic), ne se contente pas de nous tenir en haleine avec l’enquête mais s’attarde aussi à brosser des portraits très fins et très réalistes de nombre de ses protagonistes, de planter le décor du Londres interlope et pop culture des seventies et de faire fourmiller une multitude de petites touches contextuelles qui transforment le récit en tranche d’histoire. Par exemple, on plonge dans les méandres peu reluisants de la pègre londonienne, dans les codifications sociales d’une Angleterre coincée des seventies ou encore l’examen du dossier d’un terrible serial-killer. Parallèlement à la trame principale, le lecteur vit en direct le fonctionnement du cabinet Strike, les mille et une anecdotes, parfois truculentes, des dossiers en cours. Ajoutez à cela les relations difficiles entre Cormoran, un ours de première, et son associée, Robin Ellacott, une jeune femme terriblement douée pour ce métier, vous pouvez constater que les angles de lecture sont multiples.

Un style limpide, vivant, riche et détaillé

Parfois légèrement gore, parsemé d’humour british irrésistible et utilisant abondamment les références ésotériques (Tarot, Satanisme, Astrologie … pour le carnet de feu l’inspecteur Talbot), ce roman m’a procuré la même décharge de surprise et de plaisir que celle que j’avais ressenti durant les seventies lors de la découverte de La Taupe de John Le Carré. Cette femme écrit superbement bien. Son style est limpide et vivant, riche et détaillé. Elle vous convie également à la découverte de la face cachée des connaissances humaines via ces pages graphiques de nature ésotérique et totalement absconses expurgées du fameux carnet, c’est une habile diversion. C’est certes un détail, mais les courtes introductions de chaque chapitre, tirées de La Reine des Fées (The Faerie Queen), un poème épique rédigé entre 1590 et 1609 par le poète anglais Edmund Spenser, apportent leur touche délicieusement étrange à la mécanique générale. J. K. Rowling, pardon, Robert Galbraith, manie l’art du suspense comme les plus grands. J’en veux pour preuve le twist final qui m’a totalement bluffé, laissé sans voix, parce que pendant près de neuf cents pages, je n’ai rien, mais alors là rien vu venir. J’ai été tellement conquis par cette réussite exceptionnelle que j’ai planifié la lecture des 4 premiers tomes (ils attendent bien au chaud) des enquêtes de Cormoran Strike pour cet hiver. Au chaud, avec un plaid, du thé et des biscuits. Chaudement recommandé, donc …
Alain Quaniers

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